mercredi 9 février 2011

Un moment d'absence.


"Vous allez bien, monsieur ?" Je lève la tête, l'élève qui vient de m'interpeller ainsi n'a pas l'habitude de prendre la parole. S'il le fait, c'est qu'il se passe quelque chose de sérieux et d'inhabituel. C'était ce matin, en dernière heure. Nous étions en train de travailler le sujet "La guerre peut-elle être juste ?" Souvent, je suis debout ; là, j'étais assis au bureau. L'élève m'explique que je me suis, pendant 15 à 20 secondes, immobilisé, les yeux dans le vide : "un moment d'absence", me dit-il. Étrange.

Mais moi, je l'ai perçu comment ? Je ne sais pas, je n'ai eu conscience de rien. La fatigue peut-être : je me couche tard et me lève tôt. Des soucis sans doute. Un surcroît d'activités probablement. De là à plonger dans un état d'hébétude, même très bref, il y a une marge, un monde. Alors quoi ? Je me souviens de ce que Platon racontait de Socrate : le philosophe se figeait parfois, se transformant en quasi statue, en une posture extatique.

L'interprétation philosophique de ce bizarre incident, c'est la victoire sur le corps, réduit au silence et à l'immobilité. En l'espèce, ce n'est pas d'une absence dont il s'agit, mais au contraire d'une vive présence de l'esprit. Je ne suis pas Socrate et ce n'est pas cette expérience que j'ai vécue ce matin. Devant la classe, je m'en suis sorti à bon compte en expliquant que j'étais certainement perdu dans mes pensées, ce qui normal en philosophie. Il n'empêche : aurais-je déjà des absences de vieillard ?


En vignette : l'introduction de l'atelier philo à la Maison du Sophora, cet après-midi. J'ai animé debout, je n'ai pas pu ainsi avoir de moment d'absence.

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