vendredi 5 novembre 2010

L'embarras.

Dans quatre heures exactement, je serai inspecté. Quel est actuellement mon état d'esprit ? Pas l'inquiétude, le stress ou l'angoisse : j'ai déjà été inspecté, je connais bien mon inspecteur, il n'y a aucune raison objective de craindre quoi que ce soit. Mais subjectivement ? Le sentiment que j'éprouve depuis deux semaines, à la date où j'ai appris mon inspection, c'est l'embarras. Ce n'est pas franchement désagréable, mais ce n'est pas agréable non plus.

Pourquoi l'embarras ? Être inspecté est une chose normale pour un fonctionnaire, ce n'est pas ça qui m'embarrasse. Le fait d'être jugé sur ma pédagogie n'est pas non plus gênant pour moi : je suis assez sûr de ce que je fais, plutôt confiant en moi et dans les résultats de mon travail. Alors quoi ? Eh bien mon embarras est provoqué par l'ambiguïté d'une inspection : on ne sait jamais, ce jour-là, s'il faut faire cours comme d'habitude, pour la classe, ou de façon exceptionnelle, pour l'inspecteur. Bref, faut-il privilégier la vertu pédagogique ou la virtuosité philosophique ?

A cette question, je suis tenté de répondre qu'il faut rester soi-même pendant l'heure d'inspection, faire comme si l'inspecteur n'était pas là, ne surtout pas jouer un rôle, celui de l'enseignant inspecté. Et pourtant, comment faire autrement ? Tout à l'heure, il est évident que je ne pourrais pas être comme d'habitude, dans un état complètement normal. Si l'inspecteur n'avait pas été là, qu'avais-je prévu de faire ? Rendre les copies à mes élèves et leur donner mes commentaires. C'est pour moi un cours à part entière, peut-être plus important qu'un autre cours. Mais je suppose que l'inspecteur ne considérerait pas ça comme un enseignement de philosophie.

Si je continuais le cours d'avant les vacances, il me faudrait reprendre l'allégorie de la caverne de Platon. Mais ce serait pour l'inspecteur du réchauffé, dont il n'a pas goûté la première partie ! Le format d'une heure est d'ailleurs embêtant puisque mes séances d'enseignement s'étalent sur deux heures (c'est le temps qu'il faut pour bien développer un sujet). Ce qui signifie que ce que je vais exposer dans trois heures et quarante-cinq minutes (eh oui le temps a un peu avancé depuis le début de la rédaction de ce billet !) sera nécessairement partiel.

Autre embarras : la classe. Un bon cours, c'est surtout une bonne classe, qui réagit, intervient, s'exprime avec pertinence. Mes ES avec qui je serai ne sont pas au top. Ce que je redoute le plus, ce sont les silences, et moi ramant comme un fou pour leur tirer quelque chose du cerveau ! Je les ai prévenus de l'inspection et encouragé à participer. Peut-être qu'un fond de bonté, un reste d'humanité ou de pitié vont surgir de la classe entre 14h00 et 15h00. C'est à espérer.

Jusqu'à hier matin, j'ai hésité sur le cours que j'allais faire aujourd'hui. Et puis il a fallu trancher, c'est venu assez vite et j'ai maintenant l'esprit tranquille : nous commencerons une nouvelle notion, l'art, et je leur proposerai la question suivante : L'art nous détourne-t-il de la réalité ? C'est un sujet que j'ai déjà fait avec les Littéraires, je l'ai un peu réaménagé, mais je n'ai pas non plus voulu trop le préparer, au risque d'y perdre ma spontanéité. Car j'en reste là : il faut rester soi-même, du moins le plus possible, durant une inspection. La réussite dépendra de l'ambiance que j'aurai su créer. Mais ce n'est qu'à 15h00 que je saurai si j'ai réussi ou échoué. Et pour vous il faudra attendre la soirée pour lire mon compte-rendu de ce qui ce sera passé !

A vrai dire, et paradoxalement, j'aimerais que l'inspection soit une épreuve, au sens fort du terme, avec ses règles précises, sa difficulté identifiable, son défi. J'ai toujours aimé passer des concours ou des examens ; en règle générale, j'apprécie dans la vie l'adversité. Mais une inspection n'est rien de tout cela : elle ressemble plutôt à un contrôle, une vérification, dans des conditions un peu embarrassantes pour tout le monde. Mais comment faire autrement ? A-t-on trouvé mieux que ce système-là ? Pour l'instant je ne crois pas. Dans trois heures trente maintenant, je serai donc inspecté ...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Votre embarras m'embarasse

je lisais votre billet du jour et je me demandais pourquoi ce questionnement si factuel et cette reflexion si ...convenue



je suis d'accord avec vous , sur le fait que vous ne pouvez pas faire comme si l' inspecteur n'était pas là
mais est ce devenu seulement une question de posture , une question de positionnement...

au fond, l'inspection n'est elle pas pas faite pour provoquer le ( frolement ) doute
celui qui permet de se perfectionner pour mieux avancer, celui qui empeche la confiance de devenir prétention et la certitude un dogme
celui qui peut , dé-construire, de- égoî-ser

l'inspection n'est elle pas ce pretexte , cette saisie presque ek-sistencielle , où le professeur se voit contraint quinquénalement ,de se poser la question : " sais je encore transmettre ?"

il est vrai que l'inspection n'a plus de sens voire d'essence
et que la question existencielle du professeur le jour précedent l'inspection serait plutot
" que vais je me mettre demain ....chemise ou polo ?!" ( enfin une des questions...

autre embarras qui m'embarassse

vous dites que vous redoutez votre classe d 'ES , " les silences ...qu'ils sont prevenus de l'inspection" mais surtout que vous esperez "un peu de bonté ", "un peu d'humanité"

mais pourquoi esperer qu'ils ne soient pas comme d'habitude alors que vous pronez la transparence et la "normalité" pour ce jour !?

vous dites qu'un bon cours , c'est surtout une bonne classe
quand je vous lis j'aurais tendance à dire qu'une bonne inspection c'est d'abord une bonne classe

quand vous parlez de bonté et d'humanité, parlez vous de ces " aaahh oui j'ai tout compris monsieur ! " venant du fond de la classe , comme une sortie de caverne ,dont meme platon n'aurait pas eu l'idée .

Je voulais terminer par cette note d'humour, mais laissez moi croire encore un peu que l'inspection qui semble etre un jeu ...d'acteurs .....provoque encore une crainte narcissique chez le professeur!

au fond, cette inspection , à quelque chose d'essentielle, rien que dans l'acte lui meme
elle reste le seul moment ou l'eleve voit le regardeur regardé !
ou celui, qui au royaume des aveugles est le seul borgne , voit arriver un autre borgne voire ..un voyant ( provoc.)!
eleve ,j'adorais ce moment , qui etait revelateur !
il y avait les élèves qui " aidaient le prof , ou tentaient de le déstabiliser ....
au fond les masques tombaient ! et l'on voyait le professeur devenir ...un homme

qu'en j'y pense , la boucle est bouclée ! car c'est à ce moment là que le professeur revient à l'essentiel
( j'espere ), juste pour quelques heures
puisu'il il se pose la question d'une vie :
quel genre de professeur suis-je ?
quel genre d'homme suis je et veux etre ?

bon courage







j