vendredi 5 novembre 2010

La messe et la confession.


Ça y est, c'est fait, j'ai été cet après-midi inspecté, je suis tranquille pour au moins cinq ans, sauf surprise. Tranquille n'est d'ailleurs pas le mot exact : une inspection ne m'embête pas, comme je l'ai écrit ce matin ; elle m'embarrasse, pour les raisons que j'ai évoquées. Mais j'aime rencontrer un inspecteur, surtout le mien, très sympa, humain, sensible, compréhensif. Sa présence m'est finalement précieuse, parce qu'elle est source de conseils. Un enseignant a rarement, pour ne pas dire jamais, l'occasion d'avoir un adulte dans sa classe, assistant à son cours et lui donnant un avis éclairé et bienveillant.

Comment s'est passée cette inspection ? Je l'ai bien vécue, j'ai à peu près maîtrisé mon sujet, j'avais sous les yeux une seule feuille (en vignette) qui a été mon guide pendant toute l'heure. Unique erreur : je n'ai pas eu le temps de traiter le point 5 (l'art nous détourne de la réalité temporelle pour nous conduire vers l'éternité). Surtout, j'ai créé une ambiance où les élèves ont participé, et c'était ce que j'attendais d'eux. Ce n'était pas gagné d'avance, ils ont été sympa avec moi alors que moi je ne suis pas toujours très sympa avec eux. Eux seuls savent ce qu'a été cette inspection, comment je me suis comporté et si la partie a été gagnée ou perdue.

J'avais mis toutes les chances de mon côté. D'abord, en arrivant avec un ouvrage de Platon sous le bras, ce qui pose d'emblée un prof de philo (mais j'avais une référence à faire). Puis, j'ai utilisé la craie et écrit au tableau, ce que je ne fais jamais. De même qu'un garagiste doit avoir un peu de cambouis sur les mains pour être pris au sérieux, un enseignant doit avoir les doigts maculés de craie blanche. Enfin, j'ai quitté mon polaire qui me fait transpirer comme un porc ou une rock star pour en rester à une simple chemise, celle du guillotiné montant sur l'échafaud. Mais ça ne m'a pas empêché de suer comme un porc ou une rock star, tellement les radiateurs chauffent dans mon lycée !

Une inspection se décompose en deux temps : la messe et la confession. Je suis le prêtre qui officie dans le premier temps, mais c'est moi qui passe à confesse dans le second temps. Il y a un entretien d'environ trente bonnes minutes où l'inspecteur me dit ce qu'il a pensé du cours, les conseils qu'il a à me prodiguer. De mon côté, je réponds aux questions, je m'explique, j'exprime très librement ce que j'ai à dire. Je ne dévoilerai rien de la teneur de cet entretien, secret professionnel oblige : on ne divulgue pas les secrets du confessionnal ! Simplement, j'ai terminé en disant à mon inspecteur, qui me connaît depuis plus de dix ans, tout le bonheur que j'avais à exercer, à être enseignant, à être professeur de philosophie.

A 16h00, tout était fini et l'inspecteur parti. J'ai entamé deux heures de cours avec les Scientifiques, un peu fatigué mais toujours enthousiaste. Au fond de la classe, la place occupée auparavant par l'inspecteur était cette fois vide. Je l'ai presque regretté, j'aurai presque désiré qu'il soit encore là, qu'il juge de mon travail, que nous puissions après en discuter. Mais non, me revoilà encore pour quelques années face à des ados, en attendant qu'un inspecteur revienne un jour dans ma classe, lui ou un autre.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

est ce que votre college s'set fait aussi inspecter

Emmanuel Mousset a dit…

Oui, c'est même pour lui que l'inspecteur est venu. Et il en a profité pour m'inspecter aussi moi !

P. a dit…

Ne pensez vous pas que les inspections gagneraient à être plus régulières ? (Une fois par an?)

Emmanuel Mousset a dit…

Pourquoi pas, mais je ne pense pas que l'inspecteur, qui s'occupe de toute l'académie, y parviendrait.

Thierry D. a dit…

Emmanuel,

Tu contredis ton billet précédent : tu recommandais d'être "soi-même" (autant que possible)... et toi, tu modifies tes habitudes, jusque dans les moindres détails (livre sous le bras, chemise, etc) !

Personnellement, j'évite de faire un cours "exceptionnellement intéressant" le jour de l'inspection.
D'abord parce que c'est l'aveu fait aux élèves, que le reste du temps, je tire au flanc !
Ensuite parce que les élèves peuvent être désarçonnés par un cours inhabituel, avec le risque qu'il tombe à plat, (paradoxalement).

Alors le jour d'une inspection, je fais certes un cours "particulièrement intéressant"... mais après en avoir fait d'autres, du même tonneau, dans les semaines précédentes !

Emmanuel Mousset a dit…

Le bouquin sous le bras et la chemise sur le dos, c'était plutôt une boutade. L'inspecteur ne s'est aperçu de rien et s'en moque. J'ai forcé le trait, j'ai été à peu près comme d'habitude. Je pense que mes élèves, qui sont en la matière les meilleurs observateurs, pourront en témoigner. Je n'ai pas fait vendredi un cours exceptionnel. Simplement, il était un peu plus maîtrisé, je ne me suis pas laissé aller à mes habituels emportements que mes élèves connaissent (et apprécient je crois). Nous sommes donc d'accord.

Les vrais et les meilleurs inspecteurs, ce sont, chaque jour, les élèves !

Unknown a dit…

Le jour où les inspections servirons a quelques choses, c'est le jour où les profs défendrons leurs propres méthodes pédagogiques devant les inspecteurs et non pas quand ils se transformerons le temps d'un audit... Monsieur Mousset, honnêtement, pensez vous etre un mauvais prof ? Pourquoi donc s'obliger a prendre la craie ? Parce qu'il parait que ça fait sérieux ? Pour plaire à l'inspecteur ? Mais pourquoi changer son comportement quant l'inspecteur est là si on y va avec le sourire en attendant ses conseils ?
Il y a là de quoi il me semble faire une belle dissertation de philo... Non ?

Emmanuel Mousset a dit…

C'est vrai.

Unknown a dit…

Mais je n'avais pas vu votre précédent commentaire ! ("le bouquin sous le bras")