jeudi 2 septembre 2010

Un plaisir fauve.


C'était ce matin la première heure avec la classe dont je suis le professeur principal. A part deux redoublantes, je ne connais personne. J'aime beaucoup ce moment-là, où il n'y a que des visages : pas de noms, pas notes, pas d'histoires, pas encore de problèmes. Mais ça viendra, et vite ! En attendant, ce sentiment de découverte absolue est plaisant. J'ai l'impression que tout est possible, que rien n'est figé, qu'aucun destin ne pèse sur la classe. Peu à peu tout ça disparaîtra. C'est la vie, je ne m'en désole pas.

J'ai renoué aussi ce matin avec le plaisir d'enseigner, qui est avant tout, contrairement à ce qu'on croit, non pas intellectuel mais physique. Être devant trente-cinq personnes qui vous regardent, les regarder à votre tour, se déplacer au milieu de la classe, parler pour être entendu, compris, suivi et parfois craint, commencer un travail (au sens de l'accouchement), un combat qui durera neuf mois, oui c'est un plaisir physique.

D'ailleurs, quelques signes le prouvent, qui me sont revenus ce matin : la mince pellicule de sueur sur le visage, la voix plus forte que d'ordinaire, l'espèce d'exaltation à parler, les sens sur le qui-vive, prêts à déceler la moindre anomalie, la plus petite turbulence, presque l'envie d'entrer en conflit avec un malheureux contrevenant, la stimulante fatigue quand c'est terminé. Je vais employer une image qui vous semblera exagérée, mais tant pis : il y a quelque chose de fauve, d'instinctif, de sauvage dans le plaisir d'enseigner.

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