samedi 25 septembre 2010

Dans le viseur.


Nous approchons de la fin septembre, mes classes cessent progressivement d'être des groupes indifférenciés, je commence à percevoir des visages, des noms, des comportements, des personnalités. Au début, tous les élèves se ressemblent dans l'ignorance que j'ai d'eux, ils sont sur un même pied d'égalité. C'est la période la plus heureuse de l'année, où je ne juge encore personne. Maintenant, c'est fini : certains sont entrés dans mon viseur, ont été repérés par moi, bien sûr négativement. La condamnation n'est pas définitive, la fatalité n'existe pas plus dans une classe que dans la vie. Mais quand la laine du mouton est marquée d'une croix rouge, il faut quelque temps pour qu'elle s'efface.

Ainsi hier, avec les littéraires, deux filles tournent la tête l'une vers l'autre, parlent tout bas, échangent des regards pendant le cours. En plus elles sont au fond, zone sensible. Je les observe avec insistance, pour bien signifier qu'elles doivent cesser cette petite comédie. Non, elles continuent. Je les sépare dans un fracas de colère, la sanction est valable pour toute l'année scolaire.

En classe d'éco, je repère une élève qui griffonne sur un bout de papier. Elle ne note manifestement pas le cours puisque je ne perçois pas de relation directe entre ce que je dis, le port de sa tête, la trajectoire de son regard et l'attitude de son bras. J'ai vite compris : elle est ailleurs, elle fait autre chose, elle correspond avec sa voisine. Je vois très nettement que la feuille sur laquelle elle écrit est pauvrement dissimulée et distincte de son cahier de cours. Je laisse faire, comme le pêcheur attend que le poisson ait avalé l'amorce avant de ferrer. La prise est dans la vignette ci-dessus et la fille enregistrée dans ma tête.

Mais la première toise, la grande mesure, l'évaluation des classes, c'est la remise des devoirs par les élèves, et c'était hier pour trois de mes quatre classes. A la rentrée, j'avais solennellement prévu : il faudra respecter le jour et l'heure. Résultat des courses : en L, une copie non rendue, l'élève ayant dû aller à l'infirmerie puis quitter le lycée. Cas de force majeure certes, mais pas de nouvelles depuis, alors que l'élève dispose de mes coordonnées. Une autre élève absente a rendu la copie dans la journée, et une troisième par l'intermédiaire de son père qui a déposé la dissertation chez moi. Très bien.

Les ES, c'est beaucoup moins bien, et je m'en doutais un peu : deux élèves absents n'ont donné aucun signe de vie. Une élève me rendra son devoir lundi matin à 8h00 dans mon casier, mais elle m'a demandé et prévenu. Le pire, c'est l'élève qui s'est pointée devant moi, la gueule enfarinée, pour me dire qu'elle avait oublié sa copie sur son bureau. Je l'ai fait immédiatement sortir de la classe, en ne l'acceptant qu'une fois le devoir remis, ce qu'elle a fait une bonne demi-heure plus tard. Il ne faut pas se moquer du monde ! Une copie, ça ne s'oublie pas.

Chez les S, une copie n'a pas été rendue, d'un absent, un redoublant que j'avais l'an dernier et qui était déjà dans mon viseur. Il n'y a guère de surprise dans la vie.

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