jeudi 5 août 2010

Monsieur le proviseur.


Daniel Foucaut, proviseur du lycée et collège Henri-Martin depuis 1 993, a cessé de l'être administrativement depuis quelques jours, fin juillet. Mais il le restera pour l'éternité puisque le titre ne s'éteint pas avec l'activité. On lui ajoute simplement honoraire. Je peux maintenant parler librement de lui, n'étant plus soumis à son autorité hiérarchique. Je suis arrivé dans l'établissement un an après son installation, j'ai donc exercé sous la quasi totalité de sa direction, je m'en fais une idée assez complète et précise.

Notre première rencontre a eu lieu en juin 1 994, dans son bureau. Je venais d'être affecté à Saint-Quentin, par hasard, dans une ville dont je ne savais rien. Grand, assez élégant, se tenant droit, parlant bien, il faisait très proviseur. Son visage m'a tout de suite fait songer à l'acteur Roger Moore, l'un des interprètes de James Bond. Il m'a présenté très courtoisement l'établissement, avec un mot qui revenait souvent dans sa bouche : l'autonomie des élèves. Durant ces seize années, il s'est constamment identifié à son lycée, avec passion et parfois lyrisme. On peut dire qu'il l'a aimé, l'émotion exprimée lors de son départ l'a prouvé.

Ai-je eu des problèmes, des conflits avec lui ? Oui bien sûr, qui n'en a pas avec ses supérieurs, sur une si longue durée. Mais ces difficultés ont été rares et mineures. Les premières années, je n'étais pas très bien noté. J'ai demandé un rendez-vous pour en connaître la raison, sans chercher à contester son appréciation, étant un fonctionnaire discipliné et obéissant. Sa réponse, je m'en souviens encore, elle m'a marqué au fer rouge sur l'instant : vous n'êtes pas assez impliqué dans la vie de l'établissement.

Je n'ai pas bronché, je me suis simplement juré à moi-même que je prendrais ma revanche sur l'image négative que je donnais et qui avait une cause objective, qui justifiait la remarque de mon proviseur : habitant à Paris, faisant les aller et retour, ce n'était pas le meilleur moyen de donner de moi une image engagée. A quoi s'ajoutait probablement une dimension psychologique, ma retenue spontanée, mon goût de la solitude, mon côté peu expansif.

En sortant de son bureau, je me suis promis d'être l'un des professeurs les plus actifs de l'établissement, pour faire mentir un jugement qui m'a été finalement profitable puisqu'il m'a stimulé. J'ai souvent remarqué cette constance dans mon existence : une adversité que je ne recherche pas, qui m'est imposée et qui m'aide à évoluer. Je n'imaginais même pas, à l'époque, que je deviendrais hyperactif jusqu'à me transformer en une petite personnalité de la ville, une fois que je m'y serais, en 1 998, établi.

L'autre minime conflit avec mon proviseur a eu lieu dans ces mêmes premières années, où j'avais la maladresse contre moi. Une marotte occupait ma tête. Dans ce genre de situation, je vais jusqu'au bout, je ne lâche pas. De quoi s'agissait-il ? Installer un distributeur de préservatifs dans l'établissement, à une époque où l'idée commençait à se répandre mais était moins banale qu'aujourd'hui. Membre du conseil d'administration, je me suis donc lancé dans une bataille que j'ai élevé stupidement à un niveau idéologique, fustigeant les conservateurs et réactionnaires du lycée. J'étais jeune, il faut me pardonner.

Voulant m'appuyer sur les masses, tel un Lénine de la contraception, j'ai fait circuler une pétition qui, comme toutes les pétitions, a ratissé très large, y compris des gens qui n'avaient rien à voir avec l'établissement et la prophylaxie. J'avais récolté plusieurs centaines de signatures, le monde entier était avec moi, j'étais bêtement content. La veille d'un conseil d'administration, j'ai déposé tous les noms auprès du secrétariat du proviseur, croyant malin d'agir ainsi. Quand la séance s'est tenue, le chef d'établissement m'a vertement remis en place, en dénonçant le "vice de forme" de la procédure (là aussi, je me souviens de l'expression précise), puisque n'importe qui pouvait signer cette feuille hâtivement rédigée. La jeunesse, que voulez-vous ...

Pour le reste, c'est-à-dire l'essentiel, j'ai été heureux sous la direction de Daniel Foucaut. Et ce n'est pas rien d'être heureux dans un premier poste d'enseignant, qu'on n'a pas quitté quinze ans après. Tous mes collègues ne sont pas d'accord avec moi. Mais comment un proviseur peut-il se faire aimer par tous ? C'est évidemment impossible. Je lui suis reconnaissant de deux choses : il s'est bien battu pour le développement de son bahut, il a laissé une grande liberté à ses personnels. On ne peut pas dire que ce soit le cas de tous les chefs d'établissement.

Personnellement, j'ai apprécié les discussions que j'ai pu avoir, de temps en temps, avec lui, surtout autour d'un verre après les conseils d'administration. Il s'intéressait à ce que je faisais, me questionnait, dans un mélange d'humour et de naïveté que je n'arrivais pas toujours très bien à cerner. Ce qui était chez lui constant, c'est son extrême courtoisie, presque d'une autre époque. Je ne sais pas si je le reverrai. J'aimerais bien, ce serait amusant. Je ne lui dois rien et il est entièrement libre à mon égard. Ce serait intéressant de se retrouver. Laissons passer un peu de temps, monsieur le proviseur honoraire.


Vignette : le discours de départ de Daniel Foucaut lors de la cérémonie dans la salle des mariages de l'Hôtel de Ville.

5 commentaires:

Arthur Nouaillat a dit…

Daniel Foucault à vraiment une sacrée classe. C'est bien dommage qu'il ne fasse pas de politique, il a l'allure et les compétences pour.

Anonyme a dit…

Arthur arrête avec ta politique au moins sur ce blog. Pour revenir à Monsieur le proviseur après 7 ans dans henri martin on remarque que sa ligne est constante ce qui justement est agaçant entendre chaque année les mêmes projets, la même volonté pendant 7 années c'est long, il à fait beaucoup certes il restera dans les mémoires au moins pour ces petits 'pins' !

Arthur Nouaillat a dit…

Non, je n'arrêterai jamais avec "ma" politique.Sur ce blog je ne l'évoque pas, mais là mon commentaire était légitime et surtout apolitique. C'était un simple constat.

Concernant le fond de votre commentaire, je ne suis absolument pas d'accord. Il est tout à fait normal que sa ligne soit constante puisque l'on construit des projets sur la durée et le long terme. Et pour le mettre en place, il faut un certain temps car les financements ne sont toujours pas au rendez-vous. S'il avait laissé tombé ses projets au bout d'une année, ils ne se seraient pas abouti quelques années après.

chuuuttt a dit…

je vois pas en quoi ces pins sont essentiels.

Il a demandé de l'argent à l'intendance pour les pins . ((J'en ai discuté avec l'adjoint puisque je suis franc , et que je trouvais les pins inutiles .)

cool , ça fait de la pub pour son lycée ,mais ça ne sert à rien.
Même si ces pins n'étaient pas cher , puisque le 2éme cabinet des toilettes garçons du hall fuit d'après avril , il aurait pu le faire réparer si il gardait les sous ! ça n'a jamais été le cas.
Ou s'en servir pour reremplir les distributeurs de savon . J'en ai pas vu depuis février , je devais à chaque fois demander à une copine le produit dont elle se servait pour essuyer les mains !.
Ou pour réparer les radiateurs de la salle de module anglais ! On caillait d'octobre à avril , parce que les radiateurs marchaient pas dans cette salle .

c'est clair , quelqu'un qui préfére s'avantager "lui" ( grâce au pins qui font de la pub pour le lycée -et pour lui par la même occasio) qu'avantager les éléves (on a besoin de savon , de chaleur quand il fait froid , et de WC qui marchent) est bon pour la politique !

Nath a dit…

Bel hommage !