jeudi 18 mars 2010

Penser où ça fait mal.




Le café philo de Bernot est peut-être ce que je fais de mieux dans le genre : public nombreux, populaire, pas du tout préparé à l'exercice philosophique, par conséquent sans trop d'interventions apprêtées, convenues, qui rendent souvent très irritables la fréquentation de ce type d'endroit. Bref, la philo à la bonne franquette. Les participants se connaissent, maintenant me connaissent, s'expriment donc librement, sans affectation ni conformisme.

C'est le but : décrasser les esprits du discours moral, de ce qu'on appelle aujourd'hui le "politiquement correct", laisser émerger les pensées, même les plus sombres et les plus sauvages, les amener à s'entrechoquer, se contredire. Socrate appelait ça la maïeutique, c'est-à-dire un accouchement d'idées (sa maman était sage-femme !). L'opération ne se mène à bien qu'à une condition : l'humour, l'absence de sérieux, les petits délires, parfois la franche déconnade (Socrate, qui n'est pas passé par Bernot, pratiquait lui l'ironie, ce qui revient à peu près au même).

On ne peut pas penser bourgeoisement, ou alors maladroitement. Pour bien philosopher, il faut penser où ça fait mal. Hier nous débattions de solidarité ; j'ai mis le doigt sur nos plaies, nos douleurs : est-il vrai que nous sommes réellement solidaires ? Les pauvres méritent-ils qu'on les aide ? La solidarité n'est-elle pas l'alibi de la bonne conscience ? et d'autres questions qui remettent en cause nos certitudes, nos préjugés. La philosophie est un travail de destruction, à partir duquel chacun construit ce qu'il veut, sans mon aide ni mes conseils : je ne borne à être un efficace démolisseur.

Vignette 1 : Raphaël et moi, devant la salle du café philo, avant d'entrer en scène. Nos visages sont reposés. Ils seront peut-être décomposés une heure et demi plus tard ...

Vignette 2 : photo que j'ai retenue parce qu'elle est étrange. Accroché au mur, un énorme coeur rouge de carton symbolise le sujet de la soirée. Au dessus, le tic-tac de la pendule lui donne ses pulsations. Au dessous, un corps sans visage, remplacé par une volumineuse touffe, sert le café, sous la menace de deux mains venues de nulle part : c'est Raphaël et sa maman, sous le regard de monsieur le maire et de deux amis.

1 commentaire:

Raphaël a dit…

Bernot et moi même sommes heureux de vous accueillir et pour lomgtemps.