lundi 22 mars 2010

Enseigner est un combat.




Ce matin, j'attendais de pied ferme une classe qui s'est signalée très négativement lors de son conseil de classe. L'ambiance n'est pas au travail, il y a de nombreux bavardages, certains résultats sont catastrophiques. Je confirme. Ils ne sont pas méchants, l'indiscipline n'est pas constante, les devoirs sont rendus à l'heure et pas si mauvais que ça avec moi. Mais quelques petits rigolos plombent la classe, la concentration n'est pas à son maximum et je dois régulièrement gueuler pour remettre les choses en ordre.

Après le conseil et sept ou huit mises en garde concernant aussi bien le comportement que le travail, il fallait faire quelque chose, ne pas rester inerte. Je ne me fais aucune illusion : nous commençons le troisième trimestre mais nous débutons plutôt la fin de l'année. La semaine prochaine, je ne les vois pas, c'est bac blanc. Après, nous entrons dans quinze jours de vacances de Pâques. Au retour, il restera quoi ? Un mois et demi à peine de cours. Il faut quand même les tenir. Je m'y emploierai.

Paradoxalement, j'aime ce genre de situation. Que serait la valeur d'un enseignant si sa classe était tranquille, notant sagement, apprenant facilement et donnant d'excellents résultats ? Ce serait d'un ennui mortel. Dans cette circonstance, les élèves pourraient fort bien se passer du prof. Se retrouver face à une classe dont une partie résiste et pose problème, voilà qui me plaît : si je suis un bon enseignant, je peux devant la difficulté exercer tous mes talents. C'est ce que j'ai fait ce matin, sans être certain d'avoir réussi. Mais ce défi m'excite, ce challenge justifie que je sois à la place où je me trouve, et rémunéré pour ça. Un enseignant, c'est un militant, un combattant, un résistant qui affronte l'ignorance, l'indifférence et parfois la bêtise. A lui d'en sortir vainqueur.

J'ai fait quoi ce matin ? J'ai pris trois mesures. D'abord mettre tous les élèves frappés d'une mise en garde au premier rang, devant moi, pour que je puisse les surveiller sans cesse. Ensuite leur infliger un ramassage de leurs cahiers auxquels sera donnée une évaluation, pour les forcer à noter, donc à se concentrer et à travailler. Enfin j'ai interdit les exclamations bouffonnes que soulèvent certains noms quand je fais l'appel. Au début, je m'en moquais, ce n'était pas très grave. Mais étant donné la situation déplorable évoquée en conseil de classe, je ne laisserai plus rien passer.

Un élève a senti la dureté de ce virage politique. Quand j'ai demandé ce que nous avions fait lors du dernier cours (question traditionnelle pour voir si la classe suit), il a rétorqué assez clairement pour que je saisisse : "on n'a pas fait grand-chose". Je n'ai pas raté le gus, qui a ajouté qu'il s'en fichait puisqu'il avait de bons résultats, ce qui est vrai, mais ce qui est à mes yeux d'autant moins acceptable : un bon élève doit donner l'exemple. En l'occurrence, sa morgue était moralement insupportable. J'ai alors pensé, en lui répondant, à ces élèves qui rencontrent des difficultés et qui font pourtant tout leur possible pour s'en sortir : que doivent-ils penser devant une telle insolence ?

C'est pour eux, et pour eux seuls, que je mène le combat contre le morveux. Moi je m'en moque, même si je m'excite à ce rapport conflictuel, qui rompt la monotonie d'une situation d'enseignement, mais qui est trop facile puisque j'ai la certitude d'en sortir vainqueur. L'élève a tout à y perdre, plus il insiste plus il s'enfonce. Et moi j'ai le pouvoir, donc le dernier mot, et la décision finale. Le drôle est devenu ma cible, je ne le lâcherai plus. Je serai en droit de rédiger un rapport au proviseur. Je ne veux pas. Un problème doit se régler entre les murs d'une classe, sauf événement grave, ce qui n'est pas le cas. Et puis, laisser filer ma proie, je n'aimerai pas ça.

8 commentaires:

jevaispassigner a dit…

dé , mais engueuler un bon éléve qui a des bonnes notes risque de lui faire dire " j'ai de bonnes notes , il m'engueule autant que ceux qui en ont des mauvaises quand je dis un truc , je vois pas pourquoi je continueras à en avoir".
j'ai eu pas mal de camarades comme ça , et donc je pense que lui tomber dessus risque de faire encore plus dégringoler les éléves

jevaispassigner a dit…

je rajoute , et ça me fait marrer les profs qui pensent avoir le pouvoir.

si un jour (j'imagine , ce n'est pas une menace) tous les éléves décident de balancer des chaises sur le prof , le prof a beau être l'autorité ,il n'aura aucun pouvoir.

on peut dire ce qu'on voudra , mais si les éléves se révoltent , le prof n'a plus le pouvoir . c'est les ELEVES qui peuvent avoir le dernier mot

Emmanuel Mousset a dit…

Je n'engueule jamais un élève pour ses mauvais résultats. Je sais que la philo est difficile, je peux parfaitement comprendre qu'il n'y arrive pas. Je l'aide, je l'encourage, mais l'engueuler non, surtout pas.

En revanche, l'élève incorrect, insolent, bouffon (bon ou mauvais élève, peu importe), je n'hésite pas à lui gueuler dessus et à le traquer. C'est d'ailleurs mon métier, je suis payé pour ça, faire régner l'ordre dans une classe.

Sur le pouvoir, vous avez parfaitement raison : un individu tout seul n'a pas le dessus face à 30 autres. Mais le problème, c'est de se demander pourquoi les 30 s'écrasent, ne se révoltent pas.

C'est la question de tout pouvoir : Hitler et Staline étaient des gens comme les autres, et même en dessous de la moyenne. Comment se fait-il que des peuples entiers leur ont obéi, alors qu'il suffisait de les pousser un peu pour qu'ils tombent ?

Anonyme a dit…

jevaispassigner a semble t-il raison, un prof contre 30 élèves... et je ne menace pas non plus mais il suffit même qu'une minorité(2 ou 3 élèves) s'élèvent, car il y a toujours des perturbateurs, et les choses peuvent très mal se passer et mal finir se qui est anormal dans l'éducation de nos jours. Si l'élève a rétorqué cet phrase, il y a forcement une raison, une colère dissimulé par l'élève, un motif l'a poussé a être insolent et il faudrait lui demander pourquoi cet phrase, pourquoi ces mots. Le fait qu'il est de bonne note va le conforter dans son arrogance si vous lui "gueulé" dessus, il va s'amuser de la situation, en prendre plaisir et a vouloir encore plus dans la provocation car vous voir criez doit le faire simplement rire. Le dialogue semble être la solution.
Cordialement, un défendeur de la paix

Anonyme a dit…

En parlant de discipline, vous nous devez 2 dissertes et la semaine prochaine on passe le bac blanc, ce qui vous fera 3 (paquets)devoir à corriger... Vous sentez vous d'attaque?

Emmanuel Mousset a dit…

Je me sens toujours d'attaque, quelle que soit la situation. Question de santé, sûrement.

Emmanuel Mousset a dit…

Jevaispassigner,

Avant de discuter, il faut qu'il y ait du respect. Cet élève ne respecte pas ses camarades, c'est ça qui m'est insupportable. Non, pas de dialogue avec quelqu'un qui se moque du monde: des sanctions !

jevaispassigner a dit…

euh les derniéres phrases ne sont pas de moi . "anonyme" ce n'est pas moi , même si mon pseudo prouve un anonymat , rendons à césar ce qui est à césar (peut-être est-ce la même adresse ip , dans ce cas ça pourrait être ma soeur , mon cousin déja venu , ou des camarades de classe -qui viennent parfois chez moi- , mais je n'en suis même pas sûr) mais en tout cas ce n'est pas moi.