dimanche 7 février 2010

Un symbole inadmissible.


La photo ci-dessus est terrible. Je l'ai découverte ce matin dans le Courrier Picard. Un poste est menacé de suppression dans une école à Nesle. Les parents protestent, c'est normal. Mais ce qu'ils font est anormal : ligoter sur une chaise l'enseignante et l'accrocher à la grille. Regardez bien cette scène, je la trouve révoltante, inadmissible. Rien ne justifie qu'on se comporte ainsi.

La collègue est tassée sur sa chaise, comprimée par les cordes, un carton sur les genoux en otage qu'elle est devenue, le visage flouté (pourquoi ?) comme un dernier geste de déshumanisation. Autour d'elle, malgré des pancartes qui expriment la colère, les ravisseurs ont l'air calme, souriant, bon enfant, une maman portant même son petit. Je ne sais pas dans quelles conditions cette photo a été prise, mais je vois bien qu'il s'agit d'une humiliante mise en scène.

La colère a bon dos. Je n'accepte pas cet outrage fait à une collègue. Il y a tant d'autres moyens de protester, pourquoi celui-ci, sûrement moins efficace qu'un autre, qui rabaisse, qui a un petit goût de barbarie tranquille. C'est d'autant plus sauvage que nous sommes dans une école, que la maîtresse représente l'autorité, ici bafouée, devant les enfants, devant ses écoliers.

Vous me direz peut-être que le tableau est symbolique, qu'il n'y a pas violence réelle. Mais c'est précisément cela qui me choque, la portée de ce symbole, la gratuité de l'acte, que rien n'obligeait à commettre. Quant à la violence, ne soyons pas hypocrite, elle existe, quand on force et ligote une personne.

Dans un conflit social, il arrive que les salariés séquestrent leur patron, mais je ne les ai jamais vus l'attacher à son fauteuil. Et puis, le dirigeant d'entreprise symbolise le pouvoir, l'argent, il est souvent directement responsable de la situation. La pauvre enseignante ligotée n'y est strictement pour rien, comble d'absurdité ! Le pire, c'est qu'elle est, elle aussi, victime puisque son poste va être supprimé.

Pour justifier l'injustifiable, vous me direz sans doute aussi que les parents ont voulu montré qu'ils tenaient tellement à ce que l'enseignante reste qu'ils l'ont ... attachée. Reconnaissez quand même que le symbole serait alors pervers : on ne fait pas d'une prise d'otage un soutien à l'otage !

Ce qui est proprement aberrant, c'est de lire que les familles ont été "surprises" par la présence des forces de l'ordre. Comme si la liberté des personnes n'était plus la loi commune, comme si la police n'était pas là pour faire respecter le droit ! Quand on pense que des gamins de banlieues pourries sont sanctionnés sans faiblesse pour avoir brûlé des voitures (là aussi il y a expression d'un mécontentement, autrement plus puissant, et qui ne porte pas atteinte aux personnes), on s'étonne que l'opinion ne réagisse pas devant la délinquance de bons pères de famille. Où est donc la justice ?

Le plus dramatique dans cette affaire, c'est que la victime a cédé à ses bourreaux, ne portant pas plainte contre eux, saluant même leur "action citoyenne". On n'est jamais allé aussi loin dans la dérision involontaire, en taxant de "citoyenne" une démarche anti-citoyenne, privative de liberté, usant d'une calme violence. La citoyenneté, c'est le respect de la liberté de l'autre et l'usage pacifique de sa propre liberté.

Des élus locaux et régionaux ont paraît-il signé la pétition qui demande le maintien du poste. En représentants du peuple, j'espère qu'ils sauront dire jusqu'où le peuple ne saurait aller trop loin sans menacer l'esprit de la République. J'exagère ? Non, nous sommes dans une école, une institution de la République, dans un lieu exemplaire et qui doit le rester.

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Peut-étre est-ce aussi la symbolique de montrer que les familles sont attachés à elle, que la maitresse est mise en danger, qu'elle est pris en otage par cette fermeture de classe ? Beaucoup d'interprétation .

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne crois pas hélas que le symbole soit équivoque. D'abord parce que plusieurs interprétations tuent le symbole. Surtout parce que la violence de l'image ne laisse place à aucun doute dans sa lecture : on n'attache pas les gens quand on est attaché à eux !

Anonyme a dit…

Il y a la forme et le fond, le premier aidant (malheureusement) plus que le second. Si ce poste n'est pas supprimé je vous avouerais que j'éprouverais une certaine fierté pour les parents.

Dommage que la suppression des cours d'Histoire et philosophie dans les domaines scientifiques arrangeraient les élèves et parents. Dans ce cas seriez vous prêt à attacher quelques élèves vous aussi?

Emmanuel Mousset a dit…

Certainement pas ! Je n'ai jamais attaché quelqu'un sur une chaise de ma vie !

Anonyme a dit…

Quand j'étais au collège, nos profs nous avait fait asseoir dans la cour, à même le sol pour "protester" contre la violence dans l'établissement, une violence que je n'ai jamais mesuré tellement elle ne devait concerné qu'eux. Tout cela pour avancer l'idée que la manipulation et l'exploitation des esprits faibles est plus déplorable que de contraindre les esprits "forts" (j'entends par là indépendants) à servir ses revendications.

Les profs de primaire se servent de leurs élèves pour vendre des grilles de noël, récolter des pièces jaunes, planter des arbres, faire des nichoirs, vendre des madeleines et compagnie, l'élève ne le faisant que parce qu'ils s'y sent obligés, ils peuvent bien en retour servir une cause qui les concerne au 1er degrès et où pour une fois ils n'ont aucun mérite à en tirer !

ouapoupou a dit…

en même temps les parents peuvent faire quoi d'autres ? manifester ? ça dérangera pas les personnes responsables de la suppression de poste , et c'est tellement courant qu'il n'y aurait aucun article dans les journaux.

si les personnes responsables de ces trucs écoutaient plus facilement les parents d'élèves , on en arriverait pas là.

Anonyme a dit…

Monsieur, a quelle notion faut il relier la question du dm " Le mal mota t-il son origine dans l'homme ? "
Merci d'avance & bonne vcance

Emmanuel Mousset a dit…

Cette question ne renvoie à aucune notion en particulier. C'est pourquoi je l'ai choisie.

Anonyme a dit…

Merci de votre réponse .

Numa a dit…

Mais elle était peut-être d'accord, et le tout n'était qu'une mise en scène ? Vous en savez plus à ce sujet ? Si elle n'était pas consentante, c'est effectivement proprement inadmissible !

Emmanuel Mousset a dit…

Si c'est une mise en scène, elle est de très mauvais goût.

chuuut a dit…

d'après le courrier picard web , l'enseignante a dit qu' elle avait été "obligée" mais sans violence , donc non ce n'était pas consentant et ce n'était pas uen mise en scéne