mercredi 17 février 2010

L'espoir au coeur.


A Paris dimanche dernier pour préparer ma prochaine sortie scolaire, je suis tombé sur cette publicité très significative de l'ambiance dans laquelle nous vivons depuis quelques jours (en vignette), si l'on en croit les télévisions, radios, journaux et magazines, que je vous résume : l'Ecole est en proie à la violence, les enseignants vont en cours "la peur au ventre" (expression entendue à plusieurs reprises). Bref, la situation de l'Education Nationale serait devenue épouvantable.

Je m'insurge évidemment, en apportant mon témoignage personnel, et je ne suis pas un cas isolé : je ne pars pas le matin "la peur au ventre" (quelle horrible formule !) mais le coeur plein d'espoir et la tête motivée par quelques principes simples. Car l'enseignement est moins une affaire de "ventre" que de coeur et de tête. Et je ne suis pas en train de vous broder de la littérature, je vous relate une situation réelle, que je connais bien puisque c'est la mienne, que je partage avec beaucoup d'autres. C'est du concret, comme on aime tant à dire aujourd'hui.

Puisque notre époque ne jure que par lui, le concret, je vais vous en donner un exemple : depuis seize ans que j'exerce dans le même lycée, je ne ferme pas ma salle à clé pendant la pause ou la récréation. Mieux : je laisse mon cartable et mes affaires, ma montre sur le bureau, parfois mon portefeuille et mon téléphone mobile dans la serviette. On ne m'a jamais rien volé. Au contraire, j'ai eu droit quelquefois à de petits mots d'amour glissés à l'intérieur de mes papiers !

Ne me dites pas que je travaille dans un établissement privilégié ! Certes je suis dans l'enseignement général, au niveau Terminale et dans un lycée de centre-ville. Mais la population n'est pas essentiellement bourgeoise. Les élèves viennent souvent du milieu populaire et rural. Je ne nie pas non plus qu'ailleurs des problèmes existent, très graves, inédits, dont nous avons eu quelques exemples spectaculairement dramatiques dans la récente actualité. Mais ça ne concerne qu'une toute petite minorité d'établissements. Il est faux d'en déduire que l'Ecole serait à feu et à sang, d'autant que les statistiques en la matière sont rares et incertaines.

Le pessimisme, la peur et l'indignation sont devenus le nouveau conformisme de notre temps, le prêt-à-penser, la posture chic, les formules chocs véhiculés par les médias, que tout le monde répète sans y réfléchir. On peut dénoncer tant qu'on voudra, et il le faut, mais pas au détriment de la vérité, pas non plus en sacrifiant l'espoir.

6 commentaires:

mayalen a dit…

Monsieur Mousset, il vaudrait mieux ne pas parler de ce que vous ne connaissez pas.
Votre témoignage concerne votre vie au Lycée Henri Martin, devant des élèves de terminale. Vous n'avez aucune idée de ce qui se passe dans certains établissements de banlieue, en particulier au niveau des collèges.
Alors, s'il vous plaît, admettez que des enseignants puissent affronter certaines classes avec la peur au ventre.
Que votre établissement soit protégé pour de longues années, c'est ce que je vous souhaite. Un conseil malgré tout, demandez à vos collègues du collège si leur conditions de travail sont aussi épanouissantes que les vôtres. Vous serez peut-être surpris.

Thierry D. a dit…

Emmanuel, je te propose un petit stage "en responsabilité" dans un lycée professionnel, pour y enseigner le Français et l'hist-géo, par exemple (en LP, les profs ont souvent la bivalence).

Tu y découvriras que les établissements scolaires sont parmi les rares endroits ou beaucoup de "responsables" (profs) subissent le harcèlement moral de leurs "subalternes" (élèves).
Je sais, j'emploie des gros mots... mais notre système est hiérarchisé, bien qu'on se demande parfois qui dirige !

A plusieurs reprises, je suis allé au boulot avec "la peur au ventre". Pas la peur d'être violenté, mais la peur d'être à nouveau humilié, par un chahut et des contestations incessantes, d'un bout à l'autre de la journée.

La pire année de ma vie professionnelle, ce n'était pas à Saint-Denis (ou j'ai passé 9 ans). C'était à Chauny, avec les BEP Ventes et Compta...
La même année, j'ai fait plusieurs stages de formation, au milieu d'élèves du lycée Condorcet (en Bac Général). J'ai vraiment cru être sur une autre planète, tellement l'ambiance était sereine !

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne peux que répéter aux deux interlocuteurs précédents ce que j'ai dit dans mon billet : la violence existe dans certains établissements mais la plupart en sont heureusement protégés. Or les médias, par leurs propos spectaculaires, laissent croire que notre école serait à feu et à sang. C'est ce que je me permets de contester.

tourtinet a dit…

euh henri-martin n'est pas si protégé que ça . ayant passé 8 ans (redoublement de seconde) dans le collége , je sais qu'il y a déja eu.

1 porte de perm cassée quand j'étais en 6éme.
1 prof d'histoire-géo frappée même si je l'avais plus à ce moment.
AU MOINS 2 PROFS INSULTES.
pas mal de gens cuités lors de ma 1 ère secondes.
1 radiateur explosé.
sans compter les tuyaux des lavabos démontés histoire d'inonder les toilettes.
les ordinateurs toujours pétés en salle info les années précédentes

et je compte pas non plus les rackets (au moins 4) ,les fractures de casier (pour ça qu'y a plus de casier au collège , in en avait eu , mais y avait toujours des vols) , les bagarres , et la police qui venait pas mal de fois pour du trafic en drogue (on m'en a même déja proposé)

ah et j'avais oublié , des surveillants d'internat lors de ma 1ère seconde ont trouvé une menace contre les internes écrites avec du caca PROMIS (ils étaient catégoriques ,même que des soupçons s'étaient portés sur deux éléves de ma classe , parfaitement innocent cette fois-ci )

henri-martin est loin d'être un lycée privilégiée , et si la violence et le vandalisme sont vraiment partout , même si évidemment la vie scolaire , les profs , et l'administration va cacher ça , parce que c'est la réputation du bahut qui est en jeu .

Emmanuel Mousset a dit…

J'ai été interne dans plusieurs lycées dans les années 70. Les faits que vous évoquez existaient déjà (sauf le trafic de drogue). Il y avait par exemple des bizutage entre élèves qui étaient extrêmement violents, sans doute beaucoup plus qu'aujourd'hui. A l'époque, personne n'en parlait ni ne songeait à le dénoncer. Nous vivons une société qui ne tolère plus la violence, et c'est un progrès. Mais n'idéalisons pas le passé et n'allons pas croire que tout serait absolument pire maintenant. Car les discours que j'entends ici ou là sont désespérants. Ce n'est pas de cette façon que l'Ecole relèvera la tête et surmontera ses problèmes.

Thierry a dit…

C'est vrai, nos établissements scolaires ne sont pas à feu et à sang.
La vraie violence est moins intense mais continuelle... entre élèves, mais aussi entre profs et élèves (dans les 2 sens).

Le problème n'est pas la violence, mais la désespérance de beaucoup trop d'élèves (sans avenir) et de profs (sans reconnaissance).

Seuls les lycees d'enseignement général et les post-bac sont épargnés, car davantage reconnus (parfois injustement, d'ailleurs).