dimanche 10 janvier 2010

Mon vieux cartable.


Il y a 17 ans, quand je suis devenu enseignant, j'ai été confronté dès le premier jour d'exercice à une question pratique, que les élèves aussi connaissent bien : quel moyen de transport de mes cours, agenda et stylos adopter ? Lycéen, j'avais un sac de toile, inimaginable en tant que professeur : il faut un objet qui reflète la fonction, distingue l'homme et inspire le respect. J'ai quelques rares collègues qui ont opté pour l'attaché-case. Non, ça fait trop homme d'affaires ou cadre supérieur. Et puis, ce n'est pas très pratique, pas assez grand : quand les paquets de copies arrivent, il faut du contenant.

C'est pourquoi j'ai opté, dès le début, pour un traditionnel cartable, du genre de ceux que portent fièrement les bons élèves. Mais qu'est-ce qu'un prof, sinon un ancien bon élève qui est passé de l'autre côté du bureau ? Ce cartable, ce n'est pas moi qui l'ai choisi mais ma concubine de l'époque, sous forme de cadeau. Rien qu'en souvenir, je suis tenté de le garder. Mais regardez sur la vignette comme il est, comment il s'est transformé : il est usé jusqu'à la corde ... Mon chat l'a adopté, en a fait un lieu de repos, il adore sa texture, il mâchouille les coins et la poignée, il fait ses griffes dessus, ce qui évidemment n'arrange pas l'état général de mon vieux cartable, qui souffre conjointement de l'âge et des assauts de la bête.

Qu'il était beau pourtant au commencement ! D'une ligne élégante, signée Gérard Henon, il se distingue des gros cartables mastoc de certains collègues, dont les disciplines sont dévoreuses de moult documents exigeant un volume important. Finalement, en philo, notre vrai cartable, c'est notre tête ! Il est constitué de deux compartiments, un grand pour les papiers, un petit pour les instruments de travail. La fermeture-éclair de celui-ci est bousillé. Le joli cuir marron des débuts a disparu en maints endroits, laissant voir une couleur palote du plus mauvais effet. Mon vieux cartable fait peur ou pitié !

Je fais désormais un peu pauvre avec ce cartable d'il y a 17 ans, les élèves qui remarquent tout doivent voir et se moquer. La sagesse m'inclinerait à en acheter un flambant neuf, à jeter l'ancien, ou plutôt à en faire don à mon chat, qui n'attend que mon retour du lycée pour se le réapproprier. Quelle image je donne de moi quand je rencontre l'administration, monsieur le proviseur ! Au pire à un négligent, au mieux à un radin. Mais c'est plus fort que moi : j'y tiens, à mon vieux cartable. Qu'il m'accompagne au dernier jour comme au premier, oui ce serait beau. Pour moi en tout cas, mais pas nécessairement pour les autres.

9 commentaires:

Arthur Nouaillat a dit…

"du genre de ceux que portent fièrement les bons élèves"

> Les bons élèves de maintenant ne portent plus ce genre de cartable en cuir, le temps est révolu pour les lycéens, les têtes de classe même dans les plus grands lycéens optent pour un sac à dos d'une marque très connue. C'est pareil pour les profs, de plus en plus ont dadopter le sac à dos pour des raisons pratiques ou le cartable/sac en bandoulière pour donner un effet plus cool.

Anonyme a dit…

On ne change pas un cartable quand il est vieux, mais quand on ne peut plus le supporter, ou quand il ne peut plus remplir correctement la fonction qu'on lui a attribuée.
Un cartable flambant neuf : quelle horreur!

Emmanuel Mousset a dit…

Vivement que je sois cool ! Gérard Henon, c'est pas une marque très connue ?

Anonyme a dit…

Pour évoluer dans la vie,
grandir,
il faut savoir abandonner le passé et se tourner vers l'avenir.

Si on ne laisse pas de place à ce qui est nouveau en gardant ce qui est vieux,
on n'évoluera pas.

Cela fait un peu bébé de ne pas etre capable de renoncer à son doudou,
s'il s'agit d'un signe extérieur de richesse,
il s'agit aussi d'un outil de travail.

Vous devriez réfléchir à la piètre image que cela donne de vous.

Celle d'un homme passéiste, incapable de grandir et d'évoluer qui s'accroche aux vestiges de son passé et qui refuse d'accepter et d'assumer la réalité en face.

Anonyme a dit…

On est ce qu'on possède,
et pourtant cet objet,
ce n'est plus vous qui le possédait,
c'est lui qui vous possède.

Cet objet transitionnel est le reflet de votre âme.
Il symbolise ce que vous êtes à l'intérieur.

Anonyme a dit…

et meme à l'extérieur

Emmanuel Mousset a dit…

Et si le passéisme était une vertu, trop souvent négligée aujourd'hui ?

Mais mon vieux cartable n'est pour moi ni un "doudou", ni un "objet transitionnel".

Anonyme a dit…

Le jour où vous y renoncerez,
je vous croirai.

Mais il y a visiblement bien trop de charge affective dans cet objet pour que vous puissiez vous en séparer.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous n'avez qu'à m'en offrir un neuf, je serais bien obligé de l'accepter et de le porter.