vendredi 29 janvier 2010

La copie dans la poubelle.


Ce matin, dans mon casier, je réceptionne une copie d'élève. Bizarre, la remise de la prochaine, c'est lundi, pas aujourd'hui. A moins qu'il ne s'agisse d'un élève absent dans trois jours, connaissant ma susceptibilité quant au respect de la date dans le retour du travail, qui a donc choisi d'anticiper, comme je l'ai demandé en début d'année scolaire.

Mais il y a plus bizarre encore : la copie est déjà ... corrigée et évaluée. Note pas fameuse d'ailleurs puisqu'il s'agit d'un 8, qui provient du dernier devoir, celui que j'ai rendu à cette classe pas plus tard que mercredi. Mais pourquoi celui-ci se trouve-t-il dans mon casier ? Mystère, mystère ...

En y regardant d'un peu plus près dans nos casiers qui sont assez profonds, je découvre un minuscule post-it gribouillé, qui était visiblement joint à la copie et qui a glissé. Je sens la fin du mystère, la solution de l'énigme, l'explication de la copie égarée. C'est la conseillère principale d'éducation qui m'écrit en substance ceci :

J'ai trouvé cette copie de l'élève [nom, prénom] dans la poubelle du foyer des lycéens, ce n'est pas la première fois, je te la rends, tu le lui remettras ...

Ça tombait bien, ce matin j'avais la classe et par conséquent l'élève en question. Je prépare mon coup, je compte à la fois sur l'humour de la situation, la désinvolture de son geste et le sérieux de ma réponse. Voilà à peu près ce que donne notre échange :

Moi : quelqu'un m'a ramené quelque chose que tu as perdu.
Lui : ah bon, quoi ? (visage interloqué)
Moi : ta dernière dissertation égarée dans une poubelle.
Lui, pas décontenancé : je ne l'ai pas égarée, je l'ai jetée.
Moi, du tac au tac : ah bon, et ça t'arrive souvent de ranger tes disserts dans la poubelle ?
Lui, l'air un peu étonné : pas vraiment, ça dépend.

Bon, j'arrête là, ce n'est pas un mauvais gars, ses notes étaient correctes au premier trimestre, mais un peu chancelantes au deuxième, qui n'est pas terminé. C'est ce que certains collègues appellent "un jeune d'aujourd'hui". Il ne pense pas à mal, ne croit pas faire un geste répréhensible en mettant sa copie dans la poubelle. Dans sa tête, je l'imagine fort bien, une fois la copie remise et consultée, pas besoin de la garder, ça ne sert plus à rien, le travail est fait. Et quand la copie en question a eu 8, ce n'est pas le genre de trophée qu'on conserve, qu'on expose, qu'on montre à sa famille et à ses amis.

Pour clore notre dialogue, je prends à partie la classe, je compte bien la mettre de mon côté pour écraser de sa culpabilité le contrevenant (vieille technique un peu vicieuse de prof) : et vous, les autres, vos copies, vous les mettez à la poubelle ? Je peux compter sur l'absence de solidarité des élèves : ils répondent presque en choeur que non, quelques-uns y allant de leur explication, un tel glissant sa copie soigneusement dans son classeur, sous un précieux plastique, un autre la rangeant tranquillement dans un tiroir où il pourra régulièrement la consulter. Je soupçonne même les intervenants d'en faire un peu trop dans l'attention qu'ils portent à leur travail ... Mais comme je suis en pleine tactique, peu m'importe.

A tous les élèves, je dis maintenant ce qui selon moi va de soi, mais qui va encore mieux en l'écrivant : il faut garder toutes ses dissertations, les relire régulièrement, se souvenir de ce qui ne va pas pour ne pas le reproduire. Et puis, qui sait, dans trente ans, quand ils découvriront au fond d'un carton, dans un grenier, le précieux butin, ils se souviendront de ce temps-là et aussi peut-être de moi. Mais pour cela, une copie ne doit pas avoir pour destin le fond d'une poubelle.

En vignette : c'est demain la journée portes ouvertes dans mon lycée.

3 commentaires:

lesolidaire a dit…

j'y crois pas le manque de solidarité.

moi je suis sûr que dans notre classe , y en aurait eu au moins 3 pour dire que ça nous était déja arrivé au collège , mais je la jetais dans les grandes grandes poubelles qui étaient dans l'allée derriére la loge ,où personne ne fouille , tellement c'est sale.

Anonyme a dit…

Je ne pense pas qu'il faille grossir l'acte de cet élève. Il ne constitue pas un outrage non plus. C'est arrivé à de nombreux élèves, dans un élan de déception, envers le travail durement fourni et que l'on a déprécié à coups de stylo rouge. Il ne faut pas considérer chaque acte comme étant répréhensible... Ce n'était pas forcément une attaque dirigée à votre encontre, ni une déclaration de guerre. :)

Emmanuel Mousset a dit…

Je n'utilise pas le stylo rouge. Mais vous avez raison, je ne veux pas exagérer l'événement, simplement souligner qu'il s'agit d'une négligence à éviter.