vendredi 11 décembre 2009

Le blanc et le noir.

J'ai utilisé ce matin, en classe, un tableau blanc avec feutre. Ça ne m'arrive jamais. D'abord parce que la plupart du temps, j'ai affaire au bon vieux tableau noir avec craie. Ensuite parce que je me sers rarement du tableau, blanc ou noir. Au début oui, croyant que je fixerais ainsi l'attention des élèves. Mais finalement non : le dos tourné, ma surveillance cessait et les classes se relâchaient. L'enseignement, c'est comme dans les westerns : il ne faut jamais tourner le dos, il faut marcher à reculons, de peur d'être tué. Enfin parce que les élèves ont tendance, quand le prof écrit, de se contenter de ce qu'il écrit, en oubliant le reste.

Bref, j'utilise rarement le tableau. Mais ce matin, il fallait que je donne les références précises d'un ouvrage à acheter. Autant les noter. J'ai pourtant hésité. Le tableau blanc, je n'ai pas l'habitude. Je crains toujours que le feutre (je ne sais même pas comment on appelle cet instrument) utilisé ne laisse une trace indélébile. Ce sont les élèves qui m'ont encouragé : "Monsieur, c'est fait pour ça !" J'ai donc écrit au tableau blanc.

O surprise, c'est plutôt agréable. Le feutre glisse alors que la craie gratte et parfois couine. Et puis, c'est propre : pas de traces sur les mains ni au tableau. On est plus rapide (ce qui interrompt moins la surveillance). Ce blanc est rassurant, médical. Le noir a quelque chose de grave, de profond. Un grand rectangle sombre est inquiétant. C'est une nuit profonde, un abîme. Le tableau blanc capte la lumière. Il est parfait dans une salle scientifique, de bio ou de physique.

J'avoue préférer malgré tout le tableau noir. Parce qu'il est l'un des symboles éternels de l'école. Parce que son air sombre invite au travail, au sérieux. Son austérité est parfaite en philosophie, même quand, comme moi, on ne s'en sert pas. Muet, immobile, inutile, barrant le mur de la salle, il en est d'autant plus menaçant. La philo, ce n'est pas un truc pour marrants. Le professeur à son bureau ou debout sur l'estrade devient alors aussi sombre que le tableau noir, dans lequel sa silhouette finit par se confondre. Alors les élèves comprennent qu'ils ne sont pas là pour s'amuser. Mais il faut le tableau noir pour ça.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je vous comprend donc je ne vous admire pas...

Anonyme a dit…

Partisan de l'austérité du tableau noir, fuyez l'enseignement où les TBI se multiplient!

Anonyme a dit…

11/12/2009
Mousset découvre le tableau noir,
à l'heure où ceux-ci sont numériques,
vous n'avez qu'un siècle de retard.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Sur l'admiration : seuls peuvent comprendre les lecteurs qui ont assisté à l'un de mes derniers cours, où j'expliquais que l'admiration comportait toujours une part d'ignorance chez celui qui admire (on admire ce qu'on ne connaît pas bien ou ce qu'on n'ose pas faire). J'ai donc, à la suite, sous forme de boutade, demander à la classe de ne pas céder à la tentation de m'admirer, si l'envie lui prenait.

2- Je n'ai pas un siècle de retard mais 25 ! Car la philosophie apparaît à ce moment-là. Pour notre bien à tous. En vérité, il ne s'agit pas d'être en retard ou en avance mais de viser à une forme d'éternité.

Anonyme a dit…

De plus, les feutres coûtent cher et polluent, contrairement à la craie.