mardi 10 novembre 2009

La réussite et ses imperfections.

Dans mes activités publiques, je rencontre un problème : je ne supporte pas les imperfections. L'échec, ça ne me dérange pas. Ou plutôt ça ne m'atteint pas. Pour ceux qui comme moi mettent en place pas mal de projets, nous savons que l'échec est un risque à prendre et une réalité à assumer. Et puis, il n'y a jamais vraiment d'échec : vous proposez une manifestation, les gens ne viennent pas ou peu (c'est ça l'échec), mais vous n'y êtes pour rien, c'est le public qui n'est pas intéressé. L'anticipation était-elle possible et l'échec évitable ? Je ne crois pas. Dans une société où la demande est souvent insaisissable et l'offre extrêmement multiple, on ne peut pas prévoir la réaction du public, ses engouements ou ses indifférences.

Je ne crains donc pas l'échec (qui exige simplement d'être compris pour ne pas être reproduit) mais l'imperfection m'irrite au plus haut point. Pour plusieurs raisons. D'abord l'imperfection est petite, elle ne se voit pas, le public ne ressent rien, mais l'activité proposée serait mieux réussie en l'absence d'imperfections. Ensuite l'imperfection est multiple. Seule, elle ne serait guère invalidante. Sa multiplication la rend gênante et presque invincible (effacez une imperfection, une autre surgit). Enfin l'imperfection, et c'est ce qui m'insupporte chez elle, est tout à fait corrigible, car elle ne dépend que de nous, de notre responsabilité, à la différence de l'échec mais aussi du succès, qui appartiennent l'un et l'autre au public et pas aux organisateurs.

Hier soir, j'organisais un hommage à Maurice Dugowson (voir billet précédent). Ça n'a pas été un succès (il aurait fallu pour ça deux ou trois fois plus de participants) mais on peut parler de réussite (il y avait une petite centaine de spectateurs, ce qui n'est pas mal étant donné le sujet et le public potentiel). Cette réussite, perçue comme telle par l'assistance qui était ravie, était pleine d'imperfections, comme un carré de belles salades est plein d'escargots après la pluie. Je vous en énumère quelques-unes, qui m'exaspèrent :

- A l'entrée, des invités avaient oublié leur invitation. Comment les distinguer de ceux qui n'étaient pas invités (et n'avaient donc pas non plus d'invitation) ?

- Sur trois micros VHS, un laissait échapper un bel effet Larsen qui le rendait inutilisable. Ce micro qui couinait, c'était celui de l'animateur, c'est à dire moi, quasiment privé de parole.

- Nous étions deux meneurs de jeu. Sauf que mon homologue parlait sur mes paroles, en un duo bruyant.

- Mon collègue d'Henri-Martin est intervenu juste après mon intervention, ce qui n'était pas prévu, alors que notre temps était compté, au sens propre du terme.

- Une intervenante a refusé de parler dans le micro. Elle s'y est astreinte de mauvaise grâce. C'est fréquent, les gens qui n'aiment pas s'exprimer dans un micro parce qu'ils sont gênés. Sauf qu'ils oublient que leur comportement rend inaudible ce qu'ils ont à dire.

- La presse (à l'exception d'un journal local sur trois) n'était pas présente, ce qui est vraiment dommage quand on fait venir un journaliste aussi réputé que Philippe Alfonsi ou une comédienne de renom telle que Myriam Boyer, actrice dans Mesrine et le prochain Blier, mère de Clovis Cornillac.

- La présentation des invités n'a pas mis suffisamment en valeur leur biographie.

- L'aération de la salle envoyait un courant d'air froid peu agréable.

J'arrête là, je pourrais continuer. A quoi je reconnais une imperfection ? J'y pense en rentrant, je m'en sens fautif, elle m'empêche de dormir. Je sais pourtant que la perfection n'est pas de ce monde. Mais je ne supporte pas l'imperfection. Peut-être parce qu'on est généralement trop indulgent à son égard, en vertu même du fait que son contraire est impossible.

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