vendredi 4 septembre 2009

Premiers incidents.

Ça n'a pas tardé, deux jours ont suffi pour qu'apparaissent les premiers incidents. J'exagère bien sûr, ce n'est pas grand-chose, des broutilles. Mais un enseignant doit veiller au grain et étouffer dans l'oeuf, couper à la racine les premières velléités d'indiscipline. C'était ce matin, avec mes TES2, ma deuxième heure seulement avec eux, et déjà trois incidents :

J'explique comment on rédige une dissertation de philosophie (je commence toujours l'année par ça, c'est le b-a ba). Je repère deux élèves, bras croisés, cahiers fermés, qui me regardent et m'écoutent mais ne notent rien. Est-ce que je fais cours pour les mouches ? J'avais dit hier qu'une classe était là pour bosser, pas pour bâiller. Gueulante et tout rentre dans l'ordre.

Je me dis qu'il faudrait que j'enseigne du fond de la classe, les élèves me tournant le dos, se contentant d'utiliser leurs oreilles et leurs mains pour gratter, sans se servir de leur yeux. Une classe de taupes, voilà l'idéal. Un cours, ce n'est pas la messe ou le cirque, ce n'est ni une cérémonie ni un spectacle.

Incident suivant : deux élèves (pas les mêmes !) discutent cette fois entre elles, discrètement il est vrai. Sauf qu'il n'y a pas de discrétion possible dans cet espace public qu'est une classe. Un murmure perturbe très vite, des signes se remarquent assez facilement. J'interromps le cours, je leur demande ce qui se passe. L'une me dit que ça n'a rien à voir avec ce que je dis, l'autre dit le contraire. Sa copine veut répéter ce qu'elle lui a dit et que celle-ci n'ose pas me redire.

C'est bien gentil tout ça, je peux comprendre la timidité qui inhibe, mais ces simagrées et tergiversations nous font perdre de précieuses minutes et déconcentrent l'ensemble de la classe. Tout ça parce qu'une élève voulait savoir s'il fallait introduire des références dans une dissert de philo et qu'elle craignait de m'interroger. Résultat : une belle perte de temps et des turbulences dans mon plan de vol ! je lui réponds correctement mais brutalement. Il faut qu'elle s'habitue à mon style.

Dernier incident, immédiatement après le précédent (comme si une connerie en appelait une autre) : je rappelle aux élèves qu'ils peuvent me poser toutes les questions qu'ils veulent, qu'aucune ne me dérangera, qu'il vaut mieux s'exprimer que garder ça pour soi. Une main se lève alors et un élève me demande ... s'il peut aller aux toilettes. A quinze minutes de la fin du cours ! Je lui demande à mon tour s'il peut se retenir, il me répond que oui. Fin du troisième incident.

Ce n'est pas bien méchant, mais comprenez-vous que quelque chose ne va pas ? C'est rarissime que des élèves aient besoin d'aller faire pipi. Nous sommes au lycée, pas en maternelle. Ils y vont avant ou après, pas pendant. Qu'un élève se permette, en début d'année, de faire la demande, c'est de la graine de bouffonnerie, et quelqu'un qu'il faudra avoir à l'oeil.

Il y a incontestablement un lien avec l'incident précédent, qui a libéré une certaine indiscipline produisant du n'importe quoi, vouloir pisser à un quart d'heure de la fin. Si l'envie avait été vraiment pressante, l'élève me l'aurait dit quand je lui ai demandé s'il pouvait différer sa visite aux WC. Est-ce une façon de me tester, prenant au mot mon propos sur les questions que peuvent librement me poser les élèves ? Peut-être. Toujours est-il que celui-là aura perdu une belle occasion de se taire. Il ne lui reste plus maintenant que deux issues : se faire oublier ou se faire magistralement remarquer. L'une est cependant plus facile que l'autre.

Dans cette classe, j'ai six élèves de l'an dernier. Ça ne va pas être facile pour eux, me subir une année de plus, retrouver des cours qui seront à peu près les mêmes. Il y a Anthony, que j'avais reçu chez moi en début juillet, pour le préparer à passer l'oral, qu'il a cependant raté. Il y a surtout Laëtitia, que je ne m'attendais vraiment pas à revoir et qui avait été l'objet d'un billet le 10 juin (La dernière élève). Ironie du sort.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

On pourrait vous prendre pour un sauvage : "Gueulante"

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je suis extrêmement civilisé (je suis prof de philo, quand même !). Mais j'essaie d'employer le mot juste : quand un prof gueule, vous appelez ça comment ? Une gueulante.

Anonyme a dit…

Ne pensez vous pas que citer des noms d'élèves pourraient vous jouer en votre défaveur ?

En effet, si votre blog circule au sein de votre établissement et que les élèves en question voient leurs noms affichés ainsi que leur vie privée ( Raté son oral ).

Je ne dit cela que à titre d'information étant un élève d'un autre établissement que celui auquel vous appartenez.

Emmanuel Mousset a dit…

- Je ne cite jamais le nom des élèves, j'indique seulement des prénoms.

- Je ne parle jamais de leur vie privée (avoir ou pas son bac est une information publique).

- Si je suivais votre raisonnement, je ne pourrais plus du tout rédiger ce blog, ou bien alors en rester à des informations insignifiantes.

- Depuis un an, je n'ai reçu aucun reproche ni remarque.

Anonyme a dit…

Prénom ou Nom, je doute qu'il y ai 50 000 Laïticia dans la classe de TES2, de même pour Anthony.

Et vis à vis des reproches, c'est en faisant des choses comme celles-ci qu'ils peuvent venir. Comme je dirais "C'est la provocation qui entraine l'incident".

Soit, c'est juste un conseil d'un jeunot, je trouve que votre blog est propre et c'est assez sympa de rentrer dans l'univers d'un professeur.

Emmanuel Mousset a dit…

Un vieillot doit écouter l'avis d'un jeunot, c'est comme ça qu'on progresse. L'intelligence et la sagesse n'ont rien à voir avec l'âge. J'intègre, croyez-moi, vos remarques qui sont de bon sens. Mais je connais bien Laëtitia et Anthony, j'ai déjà parlé d'eux, je sais que ça ne posera pas de problème (et je n'ai rien dit de méchant les concernant !).

Ceci dit, vous avez raison, il faut faire attention, tout en restant sincère et spontané. Nous vivons dans une société où l'on reproche très vite à un enseignant ce qu'il dit ou ce qu'il fait (et à travers des accusations hélas beaucoup plus graves).

Bonne prochaine lecture, et merci pour vos interventions, sans lesquelles ce blog ne serait pas aussi vivant.

Jonathan Dysserinck a dit…

Laeticia l'as pas eu =O
Jle savais meme pas, en plus elle met le lycée en priorité dans sa vie ^^

Le bac est pourtant pratiquement donner,la preuve ... je l'ai eu :p

Emmanuel Mousset a dit…

T'es pas sympa Jonathan. Bou bou bou !!!