lundi 14 septembre 2009

Ouf de philo.


On dit parfois qu'avec les années un enseignant s'assagit, qu'il perd de son peps, que l'enthousiasme diminue, que l'énergie se rabougrit. Bref il n'a plus de jus. On imagine alors un prof gris, terne, épuisé, devenu routinier à force de routine. C'est pour moi exactement l'inverse. J'ai commencé il y a seize ans très calme, un peu plat, assez conventionnel, et plus j'ai avancé, plus je suis devenu ... de l'explosif !

Ce matin, devant les élèves, je m'agitais, m'excitais, bougeant, virevoltant, rarement assis, gesticulant, parfois éructant, lâchant quelques grossièretés (pédagogiquement calculées), tenant des propos brutaux, brandissant des images crues, jetant en pâture des exemples provocateurs. Les élèves sont immobiles de corps mais j'essaie d'introduire la tempête dans leurs têtes après l'avoir déclenchée au bureau. Je blague, d'un humour froid qui choque certains, j'use et abuse de la caricature, me demandant si je ne suis pas en train de me caricaturer moi-même en prof de philo un peu délirant, mais d'un délire sérieux, signifiant, philosophique, un peu à la Nietzsche.

J'interroge une élève, elle n'ose pas trop répondre à l'hurluberlu qui est devant elle. Je lui fais peut-être peur, comme on craint un dément. Ses grands yeux m'observent, presque stupéfaits. Je transpire, je postillonne, je grimace, mon regard inspecte, transperce, un simple détail me fait réagir, je suis un personnage de dessin animé. Mais j'ai besoin de passer par là pour rendre la philo vivante, curieuse, étrange, intéressante. Les élèves auront suffisamment le temps de s'ennuyer en faisant leurs exercices. Je dois les bousculer, les déranger, avec quelques pointes de scandale dans mes propos.

Vous connaissez le savant fou, Frankenstein, Tournesol, Folamour. Bizarre qu'un homme de science soit représenté sous des traits irrationnels. Et s'il y avait aussi le prof fou ? Prof d'espagnol non, on ne l'imagine pas sombrer là-dedans, mais prof de philo oui. Son image porte à la fantaisie. Jusqu'à la folie, il n'y a qu'un pas. Et puis, philo folie, c'est pas très loin non ? Si je me voyais comme les élèves me voient, je crois que je me surprendrais, je crois même que je m'inquiéterais. En matière de croisement génétique, je pourrais être l'enfant dénaturé de Louis de Funès et Nicolas Sarkozy, du moins dans la gestuelle, les mimiques.

Pour vous rassurer sur mon sérieux de fonctionnaire, je citerais Nietzsche, précédemment évoqué : "J'aimerais prodiguer et distribuer, jusqu'à ce que les sages parmi les hommes, à nouveau, se réjouissent de leur folie ..." C'est signé Zarathoustra, dans l'ouvrage du même nom, au Prologue, chapitre 1. Fou de philo oui, fou de transmettre cette folie.

En vignette, la rentrée du ciné philo.

4 commentaires:

anonymatgaranti a dit…

y a une prof qui fait la folle aussi , une prof de français à Henri-martin (la plupart verront de qui je parle)

c'est mieux des profs-"fous" au moins ils rendent leurs cours vivants , contrairement à certains qui font aucune gestuelle et nous endorment dés le premier mot (j'ai eu une remplaçante de français comme ça : soporifique)

Emmanuel Mousset a dit…

Serait-ce ma très chère collègue B.T. ?

anonymatgaranti a dit…

oui c'est elle qui fait la folle.

Emmanuel Mousset a dit…

Plus on est de fous, plus on rit.