samedi 11 juillet 2009

Les désobéisseurs.

Ils sont 2 807 qui se font appeler "désobéisseurs", ce sont des enseignants du premier degré, des professeurs des écoles, qui refusent d'appliquer la réforme, nouveaux programmes et aide personnalisée hebdomadaire aux élèves. Du coup, ils s'exposent à des sanctions administratives, puisqu'un fonctionnaire est soumis, par son statut, à l'obligation d'obéissance hiérarchique.

Ce mouvement est inédit, surprenant et, pour ma part, préoccupant. Il y a d'abord ce terme, étrange, de "désobéisseur", ce néologisme intriguant. Les mots, pour un enseignant, c'est important. Mes collègues auraient pu se qualifier de révolté, contestataire, protestataire, rebelle, résistant, que sais-je d'autres, le vocabulaire en la matière est très riche. Pourquoi avoir inventé une expression nouvelle, qui de plus abâtardit, substantifie un vocable admis, "désobéissant" ?

Surtout, la référence à la désobéissance, même civique, est troublante. Car qu'est-ce qu'un enseignant sinon quelqu'un dont le métier (et c'est ce qui fait toute sa difficulté) est de se faire obéir de ses élèves ? Non, ce terme de "désobéisseur" me heurte. D'autant qu'il ne s'inscrit pas dans les démarches traditionnelles de la revendication : la grève, la manifestation, qui ont le mérite d'être collectives, syndicales. Ici, on a le sentiment d'une expression purement individualiste, qui s'exclut en quelque sorte du corps enseignant.

Surprenant aussi l'objet du mouvement, qui ne porte pas sur des demandes catégorielles, corporatives, matérielles ou financières, mais pédagogiques, purement scolaires. Ce qui pose un problème politique : autant il est normal qu'une profession défende ses intérêts particuliers, autant il est discutable qu'elle veuille définir les contenus du métier et les finalités de l'institution qu'elle est amenée à servir. Est-ce aux enseignants de décider de ce que doit être l'organisation de l'école et de ses enseignements ? De même, sont-ce les militaires qui doivent fixer la politique de défense ? En République, ce sont les citoyens qui font les choix, à travers leurs votes et la désignation de leurs représentants, pas les corps de métier.

Voilà, je ne fais que m'interroger, lancer le débat, sans prendre position sur le fond, les réformes qui sont contestées. Mais le moyen utilisé, la désobéissance des "désobéisseurs", me semble poser problème.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a des moments, et en ce moment c'est le cas, où malheureusement les enseignants n'ont pas d'autres choix que de "désobéir" à des ordres qui vont à l'encontre de l'intérêt des élèves, pour espérer être entendus.

L'aide personnalisée ne pourra jamais remplacer les maîtres de soutien, contrairement à ce que le gouvernement essaie de faire croire à tout le monde.

Admin a dit…

Vous dites que le travail d'un enseignant est de se faire obéir de ses élèves. Voilà un point sur lequel je suis loin d'être d'accord !

N'est-ce pas plutôt de parvenir à faire de ses élèves des citoyens instruits, pour qu'ils puissent être libres de faire leurs propres choix ?

Être enseignant, je pense que cela passe aussi par la foi que l'on accorde aux valeurs à véhiculer. Il me semble donc juste que les enseignants eux-mêmes puissent juger ces valeurs.

Qu'en pensez-vous ?

Emmanuel Mousset a dit…

Je suis d'accord avec vous, sauf que je ne vois pas de contradiction entre l'obéissance à un professeur et la liberté que l'élève apprend à acquérir en cours de philosophie.

Admin a dit…

Et bien, la liberté permet de remettre en question un état de fait, pour désobéir à un ordre injuste, notamment.

Si c'est le professeur de philosophie qui donne cet ordre injuste (pour reprendre votre exemple) l'élève exerce sa liberté pour le contester.

Il n'y a contradiction que quand le motif de désobéissance est valable, c'est-à-dire injuste.

La question à poser serait donc :
Est-il juste que les enseignants puissent décider de ce que doit être l'organisation de l'école et de ses enseignements ?

Je réponds OUI, car c'est selon moi la liberté de l'enseignant qui est cette fois en jeu.

Il est également possible que mon raisonnement ne tienne pas debout...

Emmanuel Mousset a dit…

D'accord sur la désobéissance de l'élève quand l'ordre du professeur est injuste. Mais attention : c'est le métier de professeur que de donner des ordres justes.

La liberté de l'enseignant est strictement pédagogique, elle n'est pas programmatique. Les programmes sont fixés collectivement par l'institution. De même, les finalités de l'école appartiennent à la nation, à la République, pas au corps enseignant. Là, il y a un désaccord fondamental entre nous.

L'école, c'est l'école de la République, ce n'est pas l'école des enseignants. Un prof n'est pas dans son école comme un charcutier dans sa charcuterie.