jeudi 2 juillet 2009

La vie continue.

Une année scolaire dans le secondaire, c'est comme la fin d'un spectacle, il y a de fausses sorties, des rappels, on ne sait jamais vraiment quand c'est fini. Aujourd'hui, nous avons vécu l'une de ces fins : après la fin des cours, après la fin de l'écrit du bac, après la remise des récompenses aux meilleurs élèves, c'était la cérémonie de départ des personnels, ceux qui partent en retraite ou ceux qui sont mutés. Et d'autres fins m'attendent : les résultats de l'écrit du bac, la proclamation des oraux.

A nouveau, le cadre solennel de la Cour d'Honneur a été sollicité. Mais quand je suis entré, à l'heure de l'invitation, 17h00, j'ai cru m'être trompé, il n'y avait que quelques collègues rassemblés, le micro dressé au milieu avait l'air un peu ridicule. Et puis, le public s'est étoffé. Rien à voir cependant avec l'éclat d'une telle cérémonie il y a quelques années, pas si longtemps. La cour était noire de monde, les discours nombreux, la cérémonie autrement longue et importante, la presse présente .

Qu'est-ce qui s'est passé ? Ce qui s'est passé avec l'amicale du personnel et sa récente dissolution. Les quasi protocolaires départs en retraite ou en mutation ne sont plus dans l'air du temps. Beaucoup de collègues concernés ne viennent pas (alors qu'un cadeau leur est réservé). Question de goût : certains veulent partir discrètement, sans ostentation, d'autres ne voient pas l'intérêt d'y consacrer toute une cérémonie. Jadis, la retraite signait la rupture d'une vie, une page qui se tournait. Aujourd'hui, c'est une étape, la vie se poursuit, parfois elle (re)commence.

Et puis, un enseignant ne passe plus comme autrefois toute sa vie dans un seul établissement. La mobilité a rendu moins émouvant, moins solennel le départ. Le métier a aussi perdu sa mission sacerdotale, il est devenu beaucoup plus fonctionnel. Ça n'incite pas à un départ en fanfare ou avec les grandes orgues. Signe des temps : les jeunes retraités ne demandent plus à un collègue de faire leur panégyrique. Cette figure de rhétorique paraît sans doute désuète. Je la trouvais délicieuse, délectable même.

En effet, quoi de plus beau que de terminer sa vie professionnelle, surtout dans ce beau métier d'enseignant, par un rappel de cette vie, sous ses aspects les plus positifs. C'est une façon de redonner son sens à une existence, de la remettre en perspective. Je sais bien que les collègues peuvent le faire sans passer par un discours public, mais c'est aussi un salut qu'on adresse à la communauté enseignante. Y a-t-il encore aujourd'hui une communauté enseignante ?

Ce que j'appréciais dans ces discours d'adieu sous forme de portraits, c'est qu'on y découvrait des dimensions très personnelles de la vie des collègues, qu'on ignorait jusqu'alors. Une forme de mélancolie s'en dégageait : ce prof qu'on croisait depuis des années, avec qui on échangeait quelques mots, qu'on connaissait depuis longtemps sans le connaître vraiment, se dévoilait aux yeux de beaucoup sur le tard, au moment de nous quitter. Le regret me venait alors de n'avoir pas plus tôt sympathisé avec lui, de n'avoir pas chercher l'homme sous le prof. Mais peut-être est-il aussi bien que chacun conserve son jardin secret ?

Bref, la cérémonie a eu tout de même lieu cet après-midi, pâle reflet de ce que j'ai vécu autrefois. Les petits fours et le champagne étaient là, mais l'esprit n'était plus là. Pour la dernière fois, la présidente de la défunte amicale a remis un bouquet et une enveloppe aux retraités présents. Je ne sais pas comment on fera l'an prochain. 26 personnes étaient concernées par les retraites ou mutations, dont cinq retraités, toute une génération, des figures déjà anciennes du lycée, dont le départ me pousse un peu plus en avant vers la ligne de front des ancêtres de l'établissement !

J'ai voulu prendre une photo pour le blog, les collègues n'ont pas accepté, craignant un détournement de l'image. Il me reste les mots. Bientôt, il ne restera peut-être plus rien, parce que ce genre de cérémonie des adieux aura cessé d'exister. Mais arrêtons la mélancolie : la vie continue.

J'ai appris que mon unique collègue prof de philo, Pascal, quitte l'établissement pour ... San Francisco. Veinard ! Faire de la philo à San Francisco, le pied ! Tiens, en voilà encore un que je ne reverrai plus. Il était arrivé il y a un an, on se parlait assez peu, c'était sympa comme ça. Pas causant et pas prise de tête, le collègue idéal, quoi ! Sauf que lui aussi aurait mérité que je m'intéresse un peu plus à sa personne. C'est maintenant trop tard. Mais puisque je vous dis que la vie continue ! J'aurai un nouveau collègue à la rentrée. Pourvu qu'il soit pas trop causant ni prise de tête ! Vous le saurez de toute façon en lisant fidèlement Prof Story ...

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