samedi 20 juin 2009

Tiers temps.

Ma surveillance du bac ne s'est pas limitée à l'épreuve de philosophie. On m'a demandé hier après-midi de surveiller un "tiers temps", c'est à dire une épreuve dont la durée est augmentée pour certains candidats. Ainsi, les arts plastiques, qui commencent à 14h00 et se terminent à 17h30, se prolongent jusqu'à 18h40 pour Ingrid, la seule candidate concernée par le "tiers temps". Ingrid, vous la connaissez si vous lisez régulièrement ce blog (elle est sur la photo de fin d'année que j'ai mise dans un récent billet). C'est mon élève de L, fortement handicapée puisqu'elle se déplace en fauteuil électrique.

Au début de l'année, c'est impressionnant (c'est la première fois en seize ans d'enseignement que j'étais confronté à cette situation). Et puis l'habitude prend le dessus, on n'y fait plus attention, Ingrid est devenue très rapidement une élève comme une autre. Sauf qu'elle peut difficilement écrire, qu'il lui faut donc la présence d'une AVS, assistante de vie scolaire, qui prend les notes à sa place, qui rédige aussi les devoirs pour elle, sous sa dictée. D'où la nécessité pour Ingrid du "tiers temps".

Je me suis donc retrouvé dans une petite pièce à l'infirmerie, en compagnie d'Ingrid, de son AVS et d'une collègue qui comme moi était chargée de la surveillance. Car que les candidats soient un seul ou trente, il faut réglementairement deux surveillants. D'autant qu'en la circonstance la candidate est mon élève de l'année ! Le baccalauréat est un monument de scrupules administratifs ! Ce qui fait tout de même drôle, c'est que nous sommes trois adultes pour une élève.

L'espace est étroit, il fait très chaud, nous devons rester près de cinq heures, je suis un peu fatigué, je sens mon pire ennemi se pointer : le sommeil ! J'ai prévu de quoi occuper le temps, lire et travailler. Finalement, ça se passe mieux que prévu, mes paupières ont tenu le coup. Et puis Ingrid a terminé son exercice un peu avant 17h00, ce qui signifie qu'elle n'a pas eu besoin d'utiliser son tiers temps.

J'évoquais les scrupules de l'administration : mon collègue CPE (conseiller principal d'éducation), me rendant une petite visite, souhaitait aussi me rendre un petit service, m'apporter les copies de bac que je dois corriger. Mais l'Education Nationale privilégie la règle à la bonne intention : les copies doivent être remises en main propre au correcteur et pas à un tiers. J'ai donc réceptionné dans le Bureau de la Vie Scolaire le précieux chargement, que j'ai mis sous mon bras et emmené chez moi. J'ai 128 copies à corriger jusqu'au 2 juillet midi.

J'ai ouvert mes deux paquets ce matin et découvert un problème : il n'y a pas les copies-test qui permettent aux enseignants de comparer leur évaluation et de s'entendre sur quelques critères de correction (c'est le but de la commission d'entente, qui aura lieu lundi après-midi à Amiens). Autre oubli : la feuille des sujets. Ce n'est pas grave pour la dissertation, les candidats rappelant la question au début de leur devoir, mais c'est embêtant pour le commentaire de texte, puisque l'extrait à étudier ne figure pas. J'ai envoyé immédiatement un courriel à mon inspecteur pour lui indiquer ces anomalies. Et j'ai commencé sans tarder la correction du premier sujet : peut-on être sûr d'avoir raison ?

9 commentaires:

.nn. a dit…

Je trouve que ce sujet (Peut-on être sûr d'avoir raison?), est un excellent sujet de méditation pour vous!

Arthur Nouaillat a dit…

D'autant plus qu'en arts plastiques on ne peut pas vraiment tricher.

Emmanuel Mousset a dit…

Comme en philo ...

Emmanuel Mousset a dit…

A .nn. :

Je crois que c'est Turgot qui disait : "Etre sûr d'avoir raison est un grand tort". Voilà une citation que les candidats pouvaient exploiter... et moi méditer, puisque vous semblez préoccupé par mes sujets de méditation.

.nn. a dit…

Je ne suis pas préoccupée par vos sujets de méditation.
Cette remarque était liée au fait que vous semblez très, voire trop, sûr de ce que vous écrivez sur vos blogs.
J'adhère totalement à cette citation qui appartiendrait à Turgot.

Emmanuel Mousset a dit…

Moi aussi, j'aime bien cette formule attribuée Turgot. Mais je me permettrais de la compléter : être sûr d'avoir TOUJOURS raison est un grand tort. Mais quelqu'un qui n'est sûr de RIEN n'est pas digne d'une grande confiance. Imaginez un enseignant qui ne serait pas certain de sa mission ni d'avoir raison dans ses pratiques ! Ce serait inconcevable.

Ce qui répond aussi à votre critique malicieuse de ma soi-disant assurance, que vous n'êtes pas la première personne à me reprocher : il me parait normal dans la vie d'être sûr d'avoir raison, du moins en certains domaines. Ce n'est pas de la prétention, c'est de la conviction.

une PE a dit…

En tant qu'enseignante, j'ai UNE SAINTE HORREUR des collègues qui pensent savoir tout sur tout, et qui se croient donc détenteur de LA VERITE!
J'admets qu'un enseignant doit avoir certaines certitudes, sinon, effectivement personne ne pourrait lui faire confiance. Cependant il doit aussi avoir la certitude que ce dont il est sûr aujourd'hui pourrait être faux demain, ou du moins plus complètement vrai. Un enseignant qui ne se remet pas en question : quelle horreur!

Emmanuel Mousset a dit…

Nous sommes d'accord, comme nous sommes d'accord qu'un enseignant sans cesse hésitant ce n'est pas bon. Vous et moi, nous sommes au moins sûr d'avoir raison sur ce point-là !

une PE a dit…

Je veux bien partager cette certitude avec vous.