vendredi 19 juin 2009

Salle 136.

Hier matin, quand je suis entré à 7h45 dans mon lycée pour surveiller l'épreuve de philosophie du baccalauréat, empruntant le trajet de chaque jour, l'établissement avait son ambiance ordinaire. Du moins en traversant la cour d'honneur, entre les BTS audio-visuels et les classes préparatoires littéraires. Mais en rejoignant la grande cour du lycée et collège, en regardant dans direction du portail d'entrée, en voyant la foule rassemblée, j'ai compris : c'est bien le début de l'examen dont les médias nous parlent depuis une semaine.

Je suis affecté à la surveillance de la salle 136, et qu'est-ce que je retrouve ? Ma classe de Scientifiques, celle avec laquelle nous avons pris les photos délirantes de fin d'année. Mais plus de délires cette fois ! Je suis en compagnie (nous sommes deux surveillants par salle) d'un collègue assez sympa. C'est important, quand on sait qu'on va rester quatre heures ensemble, de 8h00 à midi, qu'il y a un tas de vérifications à faire. Le proviseur nous rend visite, il fait sa petite tournée solennelle de salle en salle.

Avant que l'épreuve commence, au coup fatidique d'horloge de 8h00, nous procédons à plusieurs formalités : les sacs des élèves doivent être déposés près du mur, les pièces d'identité et la convocation doivent figurer, bien visibles, au coin des tables pour contrôle, les candidats doivent signer la feuille d'émargement et remplir la fiche qui atteste qu'ils ont pris connaissance des sanctions en cas de fraude (bizarre ...), compléter l'en-tête des feuilles de composition, un peu compliqué à renseigner (si c'était simple, ce ne serait pas l'Education Nationale ...) : il faut notamment reporter le repère de l'épreuve qui est inscrit sur les sujets (et qui répond chez les S à la douce formule de 9PHSCME1) et le numéro du candidat (à ne pas confondre, mais beaucoup d'élèves confondent, avec l'identifiant du lycée et le numéro du jury).

Après avoir satisfait à ces obligations administratives, qui sont presque aussi difficiles que l'épreuve de philosophie elle-même, le candidat est prêt à disserter. Il ne lui manque que les sujets, qu'un surveillant apporte dans des enveloppes plastifiées qui sont aussi pénibles à ouvrir qu'un paquet de gruyère : je commence à les déchirer avec mes mains, elles me résistent, de précieuses secondes s'écoulent (il est 8h00 passé), mon acharnement devient un spectacle pour la salle, je crains d'être si efficace que je vais finir par déchirer les feuilles à l'intérieur. Bref je renonce et demande au surveillant une paire de ciseaux. En quatre heures, ce sera le seul incident notable.

On distribue à chaque candidat une petite bouteille d'eau minérale. Je crois que c'est une nouveauté (avant, chacun arrivait avec sa provision d'eau). Il fait très chaud, très lourd dans la salle. Les corps et les cerveaux transpirent. C'est beau à regarder. Silence presque total, on croit voir des idées passer au-dessus des têtes. Je distribue les feuilles de brouillon, de couleur saumonnée ou jaune citron. Quand un candidat veut aller aux toilettes, il faut qu'un homme accompagne les garçons et une femme les filles (c'est fou ce que notre Education Nationale est puritaine. Mais qu'est-ce qu'on va imaginer ! ).

Mon collègue s'est installé au bureau, face aux candidats, moi je me suis mis au fond de la salle, à la table d'un absent. J'ai ainsi l'impression de concourir (je rédige d'ailleurs les corrigés pour le blog). Surtout, je peux surveiller discrètement les candidats. Mais pourquoi ? Tricher en philo, ça n'a pas de sens. Par la fenêtre, j'aperçois le musée Antoine Lécuyer, le lycée privé Saint-Jean et la basilique de Saint-Quentin. Un trop beau décor pour les élèves déconcentrés.

Il y a le moment de la relève, où je pars quelques minutes boire un café. Les candidats ont le droit de partir une heure après le début de l'épreuve. Personne ne quitte la salle, c'est bien. La plupart vont rester presque jusqu'à la fin. Parfait, c'est ce que je leur ai demandé. A midi, il faut classer les copies. Je laisse faire mon collègue. Généralement, quand il faut ranger, compter et recompter, je me plante.

Les quatre heures de l'épreuve, comme toujours, sont passées très vite. Mais pour les candidats ? Je sais que des élèves doivent sûrement attendre devant le lycée, faire des commentaires, échanger leurs impressions. Je pourrais aller les rejoindre, donner mon point de vue sur les sujets. Je préfère discrètement m'éclipser par où je suis entré quatre heures auparavant, c'est à dire par la petite porte de la cour d'honneur. Pourquoi cette discrétion ? Parce que je veux le plus rapidement possible mettre les corrigés sur le blog, surtout parce que je crois qu'il ne sert à rien de répondre aux interrogations des élèves sur leur propre travail, sinon à créer des illusions, bonnes ou mauvaises. Quand c'est fini c'est fini, il faut se préparer à ce qui suit, l'épreuve littéraire de l'après-midi.

7 commentaires:

.nn. a dit…

Tout à fait d'accord avec vous sur l'inutilité de commenter une épreuve à sa sortie, car il est très important de savoir sortir d'une épreuve pour pouvoir enchaîner sereinement sur la suivante.

Arthur Nouaillat a dit…

C'est la pire salle la 136. Elle est toute petite, on se sent étouffé avec ce soleil qui tappe le matin. En général les surveilants boivent des cafés qui donne une odeur insuportable. Tout ça donne dees mots de coeur.
La G1 et la M1 où même les salles près de la cantine sont bien mieux.

tourtinet (ou maxime ex eléve de 1ère ECJS) a dit…

j pense que si ils distribuent l'eau , c'est soit
1 pour éviter les étiquettes anti-séches collés sur la bouteille d'eau.
2 soit pour éviter la vodka (même couleur que l'eau) dans ces bouteilles.
je pense pas que ce soit juste être parano , j'en connais (un cousin) qui a déja fait la vodka en bouteille pendant une épreuve (sans se faire prendre), quand à l'étiquette antiséche c'est une technique connue , mais je ne sais pas si elle a été testé pendant une épreuve

quand au "puritanisme" moi je trouverais ça plutot logique . Ce n'est pas qu'ils pensent que tous les profs vont faire quelque chose , mais il est logique que les pédophiles (désolé du terme) essayent de devenir prof , (comme moniteur de colo ou baby-sitter ou autre) parce que c'est dans ses endroits qu'ils y aura le plus d'enfants.

Emmanuel Mousset a dit…

Bonjour Maxime.

Sur la bouteille d'eau, tes explications sont intéressantes, mais j'ai quelques remarques à faire :

1- Je ne crois pas qu'il existe une consigne interdisant les bouteilles d'eau personnelles des élèves.

2- Les petits gâteaux ou friandises ne sont pas non plus, à ma connaissance, interdits. Or on pourrait imaginer des anti-sèches ou des substances dopantes à l'intérieur.

3- Je ne crois pas qu'une étiquette d'une petite bouteille d'eau puisse cacher une anti-sèche réellement efficace.

4- Je ne crois pas que la vodka aide à obtenir le bac. Je crois même le contraire.

Sur la pédophilie :

Un pédophile ne va tout de même pas s'engager dans de longues études et préparer des concours difficiles, tout ça pour satisfaire ses penchants sexuels criminels !

Et puis, la pédophilie vise les enfants, pas les adolescents des lycées.

Enfin, jamais un(e) lycéen(ne) ne se laisserait faire, ce serait donc l'échec programmé pour l'enseignant (et son renvoi de l'Education Nationale).

C'est pourquoi je maintiens que ces règles administratives sont en partie de nature puritaine.

.nn. a dit…

Ces règles administratives sont peut-être puritaines, mais il y a sûrement des ados qui seraient gênés s'ils étaient accompagnés par des personnes de sexes opposés, tout simplement.
Le bac est assez stressant comme ça pour certains, alors n'y ajoutant pas en plus de la gêne.

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne sais pas quel âge vous avez, mais les ados d'aujourd'hui ne me semblent guère gênés par ce genre de situation. Je pense même qu'autrefois ce n'était pas fondamentalement différent. Ce sont les adultes qui projettent leurs craintes et parfois leurs angoisses sur les jeunes.

.nn. a dit…

Je n'ai jamais dit que TOUS les ados seraient gênés, mais juste que certains d'entre eux pouvaient l'être! Et que juste pour cette minorité, cette mesure pouvait être justifiée.