mardi 30 juin 2009

128.

Hier, je ne suis pas allé à la réunion d'harmonisation, qui est pourtant réglementaire. Motif : je n'avais pas terminé de corriger mes deux paquets. Mais je ne suis pas le seul. Le mouvement est général et il a aussi un motif protestataire : d'années en années, les profs de philo voient leur délai de correction se réduire comme peau de chagrin. Au début, nous avions trois semaines, maintenant douze jours.

Faites le calcul : 128 copies en douze jours, ça fait en moyenne 10 copies par jour. Cinq le matin, cinq l'après-midi. Pourquoi pas après tout, me direz-vous. Sauf qu'il ne faut pas raisonner en mathématicien. Si on veut prendre son temps, corriger soigneusement, relire éventuellement les copies, 128 en douze jours, c'est beaucoup, c'est trop. Et puisqu'il faut harmoniser nos résultats le lundi, c'est neuf jours en réalité qui nous sont impartis !

Bref, pas mal de profs de philo ont décidé de rester chez eux pour corriger, en n'assistant pas à la commission d'harmonisation. J'ai envoyé un courriel à mon inspecteur pour lui expliquer mon absence. Dans l'académie voisine de Lille, le mouvement a été plus radical puisque les profs de philo ont carrément fait la grève de la correction des copies. Je ne serai tout de même pas allé jusque là.

Il me reste jusqu'à jeudi 8h00 du matin pour entrer mes résultats sur le serveur du rectorat. J'ai fait le plus gros. Un petit paquet est encore à finir. Autant vous avouer que je transpire. D'abord parce qu'il fait très chaud. Ensuite parce que 128 copies ne se liquident pas très vite. Enfin et surtout parce que la série technique n'est pas la plus simple à corriger.

Ce n'est pas que les copies soient très longues à lire. En moyenne, elles font trois pages, c'est vite réglé. Ce qui l'est beaucoup moins, ce qui représente un vrai casse-tête, c'est l'évaluation : quelle note attribuer quand beaucoup de devoirs se ressemblent, ni bon ni mauvais. Le risque naturelle, c'est de concentrer la plupart des notes autour de 08-09. Ce n'est pas ce que demande notre hiérarchie : au contraire, il faut savoir étaler les notes, utiliser toute la gamme, pousser les bonnes copies vers le haut.

Pour compliquer la tâche, énormément de candidats ont choisi le commentaire de texte. C'est classique : dans ce genre de série, où la philo ne compte pas beaucoup, les élèves vont à la facilité. Un texte, ça les rassure, d'autant que ce texte est accompagné de questions. La dissertation, il faut se mouiller, se jeter à l'eau, prendre des risques. On ne peut pas tricher. Avec un texte, si. Il suffit de reprendre les idées, de répéter, paraphraser, broder, délayer tout ça. Ça donne généralement un brouet philosophiquement peu consommable, mais le candidat est satisfait, il a fait ses pages, et avec un peu de chance il peut s'en tirer avec une note pas trop catastrophique.

Ces commentaires de texte sont donc peu agréables à corriger. Ils se ressemblent tous. Au moins, dans une dissert, on trouve quelques idées personnelles. Le pire, c'est au moment d'évaluer, comme je le faisais remarquer : ce sont des copies mi-chèvre mi-chou, pas évidentes à noter. Alors, pour départager les candidats et pour favoriser les notes correctes ou bonnes, il faut forcer les qualités, ne rien négliger, valoriser tout ce qui peut l'être : le travail effectué, la clarté d'expression, l'organisation des idées, le recours à une référence ... Même quand tout ça est maladroit, incomplet, ça compte pour la note. C'est pourquoi je dis toujours à mes élèves, dès le début de l'année, qu'il ne faut oublier aucun détail dans la rédaction d'un devoir de philosophie.

Allez, j'y retourne, il n'y a pas une minute à perdre jusqu'à jeudi matin.

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