lundi 4 mai 2009

La dernière rentrée.

Oui, c'était ce matin la dernière rentrée de l'année scolaire 2008-2009. Ça s'est passé comment ? Comme une dernière rentrée ... L'impression qu'une page se tourne, que la fin approche, que le bac est imminent, que les dés sont jetés. Ce sentiment est évidemment faux. L'examen est dans un mois et demi, ce n'est tout de même pas demain. Et puis, il faut travailler, d'arrache-pieds, dans les semaines qui viennent, jusqu'à la fin. Les révisions contribueront beaucoup à la réussite, sont indispensables. Rien n'est joué, en fin de compte. D'autant qu'un examen, comme une élection, se gagnent parfois à quelques points près.

D'où me vient alors ce désabusement, que je n'ai pas éprouvé lors des rentrées de novembre, janvier et mars ? D'abord de cette évidence que le temps va filer très vite. Mais surtout de ce constat qu'un élève qui n'a pas, qui a peu ou mal travaillé jusqu'à maintenant n'a guère de chance de se relever. Huit mois de philo et ne pas en avoir intégré les règles, pourquoi voulez-vous que ça change ? Je ne crois pas aux miracles pédagogiques, je ne compte que sur le travail des élèves.

C'est pourquoi, en S, quand un élève, qui ne m'a pas rendu son devoir avant les vacances, m'annonce qu'il l'a oublié chez lui aujourd'hui, je n'ai rien dit, alors que les rentrées précédentes, j'aurais gueulé, je lui aurais imposé d'aller en permanence pour me faire illico le boulot. Pourquoi ce silence de ma part ? Parce qu'un prof ne doit pas gueuler pour le plaisir mais pour l'efficacité. Le cas en question est isolé, je sais que la classe ne se laissera pas, arrivée en mai, contaminer par son indolence ou sa malhonnêteté.

Même réaction en L, quand un élève me dit que sa mère a posté sa dissert pendant les vacances. Je n'en crois rien, puisque je n'ai rien reçu. Mais je m'en fous. A l'heure qu'il est, ces élèves, heureusement très minoritaires, se condamnent eux-mêmes. Un professeur, aussi bon soit-il, ne sera jamais entièrement responsable de ce que font tous ses élèves, de leur échec comme de leur réussite. Hélas, car j'aimerais disposer de cette puissance, de ce pouvoir.

J'ai donné ce matin les corrigés des devoirs. Je ne sais pas si j'ai été bon ou mauvais. Il n'y a que les élèves qui peuvent le dire. Ce sont eux les seuls juges. Donner le corrigé, c'est montrer ce qu'il fallait faire, ce qu'on pouvait faire. C'est proposer un idéal (certes imparfait), un modèle (qui n'est pas unique). Cela doit être compris, pour que l'élève s'en rapproche, progresse. Mais tous les élèves comprennent-ils ? Saisissent-ils où je veux qu'ils aillent, vers quel point je souhaite qu'ils s'élèvent ? Voilà une question bien angoissante, en ce début de mai, où tout semble bouclé, décidé.

J'ai préparé hier matin ces corrigés que j'ai commencés aujourd'hui. Chez soi, à l'écrit, dans ma tête, c'est parfait. Mais tout change quand je suis devant les élèves, que c'est la parole qui l'emporte. Sur le papier, un cours peut être excellent, c'est assez facile. Mais rien n'est fait, rien n'est joué. C'est devant la classe, à l'oral, que tout se décide, que ça passe ou ça casse. Je réclame alors l'assentiment des élèves, je sollicite leurs regards, j'attends une approbation ou une incompréhension. Mais la plupart des regards sont prudemment vides ou fuyants. La question la plus idiote qu'un enseignant puisse poser, que j'ai posée mille fois et encore ce matin : avez-vous compris ce que j'ai dit ? N'importe quel élève répondra toujours oui.

En L, sept élèves, oui sept, étaient absents. Ça fait beaucoup pour une rentrée. Mon impression de délitement et de fatalité en a sans doute été renforcée. Comme ces copies que j'ai distribuées, dont un petit tiers était mauvais. C'est beaucoup, ça aussi. Mais c'est pour moi un appel à me battre, jusqu'au bout, jusqu'à ce début juillet où je sais qu'il me faudra en deux jours préparer certains candidats à l'oral de rattrapage, et qui gagneront, et qui auront en fin de compte le bac. Se battre, c'est la loi de l'école, c'est la loi de la vie. C'est ce que me suggère ma dernière rentrée.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Faut-il, Monsieur Mousset, que votre désappointement, votre désillusion, votre désenchantement soient conséquents pour vous conduire au "désabusement".
Personne ne doute que votre "bravitude" vous motivera jusqu'à la fin de l'année scolaire.
Les jours de rentrée sont toujours difficiles.

Emmanuel Mousset a dit…

Merci pour vos encouragements.

Anonyme a dit…

"Ma mère a posté ma dissert'":
quelle excuse bidon!

Anonyme a dit…

Vous semblez trés préoccupé par la réussite future de vos élèves; c'en est presque émouvant. Il est désarmant de savoir que certains n'en ont rien à faire, mais moi je dis: tant pis pour eux! Dommage simplement qu'ils ne soient pas plus reconnaissants, car vous semblez vous donner du mal. En tout cas bonne chance, et souhaitez-nous bonne chance à nous aussi, les bacheliers de 2009.

Emmanuel Mousset a dit…

Bonne chance à vous et à tous.

Je n'attends pas de mes élèves qu'ils soient "reconnaissants" à mon égard. Ce n'est pas à moi qu'ils doivent penser mais à eux. Je me donne peut-être du mal, mais c'est normal, c'est mon métier, je suis payé pour ça.