samedi 25 avril 2009

Train-train.

Que fait un enseignant qui est bloqué dans un train et une gare de 8h13 à 14h55 ? Il corrige bien sûr des copies! C'est pour lui une occasion inespérée, presque unique en son genre. Il peut ainsi réaliser un rêve: venir à bout d'un paquet en une journée. C'est ce qui m'arrivera demain, partant pour quelques jours dans mon Berry natal. A moins que je ne succombe aux délices de la lecture. Un voyage en train se prête très bien à ça aussi ...

En attendant, de mes trois tas de copies, un est presque terminé (trois me restent à corriger), celui des Littéraires. Je suis à moitié satisfait. Chez certains, j'ai cru déceler un certain relâchement. Eh oui, la fin de l'année approche, les dossiers de candidature pour l'an prochain ont été remplis, les dés pour beaucoup semblent jetés, d'où la tentation de se laisser aller. A ceci près, et ce n'est pas un mince détail, que le bac est devant et pas derrière les élèves. Pas question donc de se relâcher.

Il m'a semblé aussi que certains copies étaient allées au plus facile en reproduisant des réflexions qui ne viennent pas spontanément de l'élève. On appelle ça, vulgairement, "pomper". En philo, ça se voit tout de suite, et c'est très, très mal vu ! Je suis persuadé que les élèves ne le font pas nécessairement avec une volonté mauvaise. C'est pour eux une source d'inspiration comme une autre. Sauf que c'est plus de la retranscription littérale que de l'inspiration réfléchie. Là encore, ce n'est pas bon signe.

Il y a cette copie, une seule, qui est constituée de feuilles volantes, même pas rattachées les unes aux autres par un trombone ou une agrafe. Au moment du ramassage, j'aurais dû refuser de la prendre en l'état. Cette négligence est pour moi révélatrice, et je déteste ça. Je ne veux pas bien sûr injustement généraliser, il y a de bonnes copies, comme toujours. Ainsi cette élève qui m'a fait ... 25 pages, dont je sens dès les premières que ce sera très bon, et à qui j'ai tout de suite envie de mettre 19 pour m'en débarrasser ! Mais j'ai fait mon métier, j'ai tout lu et elle a eu 18.

Je veux maintenant vous donner quelques extraits de devoirs d'élèves, à propos du sujet : Y a-t-il un progrès de l'humanité? D'abord un argument inattendu:

"Au début de son existence, à la préhistoire, l'homme accumulait les défauts physiques : petit, voûté, des gros membres. Il était alors plus proche de l'animal que de son évolution, nous-mêmes. De nos jours, le culte de la beauté fait rage chez l'homme masculin ou féminin: dans les deux cas, une posture droite s'impose, accompagnée de dandysme, métrosexualité, chirurgie plastique et même crème anti-rides."

Ensuite, deux arguments, appartenant à des copies différentes, qui s'entrechoquent:

"Le premier homme a évolué au fil du temps. Marchant à l'aide de ses quatre membres, il s'est redressé petit à petit, afin de marcher avec ses deux membres inférieurs. L'homme s'est aussi adapté à son environnement, et aussi à l'utilisation de différents outils. Sa boîte crânienne s'est aussi modifiée, devenant plus grande et renfermant une source d'intelligence adaptée à sa taille [...] Dans ce cas, nous pouvons bien dire qu'il y a eu un progrès de l'humanité."

"Y a-t-il un progrès de l'humanité? Sur le plan physique, il paraît évident que non. Avant, nous étions beaucoup plus résistants au froid, à la maladie ou aux blessures. A l'époque de la préhistoire, les mâchoires des hommes étaient bien plus solides pour leur permettre de manger de la viande crue sans couteau. Aujourd'hui, nous sommes plus faibles sur le plan physique."

Je vous laisse méditer ces arguments et convaincre par l'un ou l'autre ...

6 commentaires:

Camille a dit…

je ne sais pas si vous allez me croire mais mon objectif durant l'année et dans toutes les matières étaient de réduire d'un point de vue quentitatif les devoirs à rendre...
avec 25 pages pour l'avant dernière dissertation de l'année, je ne pense pas avoir atteint mon objectif...

Emmanuel Mousset a dit…

Pourquoi cette volonté de faire régime? Une dissertation doit être musclée et éviter la mauvaise graisse. Mais je crois que tu n'as pas de ce point de vue à t'inquiéter.

Camille a dit…

d'autres profs me reprochent d'écrire trop et m'affirme que ça me pénalisera le jour du bac.
pour écrire 25 pages il me faut plus que 4heures, ce qui peut être perturbant lorsque je me retrouverai le jour J, devant le sujet de philo du baccalauréat, puisque je serai limitée par le temps.
et le temps ici ce n'est pas de l'argent mais des points à gagner, points qui sont par conséquent très précieux.
chez moi, je peux travailler un weekend entier sur un devoir, ça ne tient qu'à moi mais quand il y a un temps imposé, j'ai peur de ne pas avoir le temps suffisant pour dire tout ce que j'ai à dire.

Emmanuel Mousset a dit…

Je crois que c'est un faux problème. Bien sûr il faut maîtriser le temps de l'épreuve, mais pour ça, il faut avoir matière à maîtriser. Et pour obtenir cette matière (les idées), il faut écrire, écrire et encore écrire. Rien n'est de trop. Après, le temps s'organise naturellement, ce n'est pas vraiment là le problème. Un élève n'écrit jamais trop (généralement, c'est plutôt pas assez!), ça ne peut pas le pénaliser au bac.

Anonyme a dit…

j avoue être assez curieux de lire une dissertation de 25 pages...

n'y-a-t-il pas, quelques redites ?

Emmanuel Mousset a dit…

Dans la dissertation dont nous parlons, non. Il peut éventuellement y avoir des longueurs, mais pas des redites. De même, un ouvrage de 300 pages n'est pas condamné à se répéter.

Le plus souvent, les redites sont au contraire dans les dissertations les plus courtes (qui ne sont pas les meilleures, à la différence des plaisanteries ! ). Un travail très court est un travail qui veut en finir au pus vite, ne se préoccupe pas de développer les idées, s'autorise donc à se répéter.