samedi 4 avril 2009

Ce n'est qu'un au revoir.

Jeudi soir, la salle des profs a pris une allure inattendue. La grande table sur laquelle nous corrigeons nos copies a été couverte d'une nappe blanche, comme dans un salon. Des amuse-gueule, petits gâteaux et bouteilles de champagne ont été installés, comme pour une fête. Ce n'était pas une fête mais un départ en retraite, celui de Michèle, prof de lettres. Quant on part en fin d'année scolaire, on a droit à une cérémonie collective en cours d'honneur, en présence de l'administration. Ma collègue, qui finissait sa vie d'enseignante en cours d'année, a choisi l'intimité de la salle des profs.

Nous étions une vingtaine, et pas beaucoup de profs de lettres d'ailleurs, pas beaucoup d'hommes non plus. Il y a eu des fleurs, des photos, un petit discours. Ainsi s'achève une existence professionnelle. Michèle exerçait à Henri-Martin depuis bientôt un quart de siècle. On a parlé de tout et de rien. Deux collègues étaient venues avec leurs jeunes enfants, dont un bébé, qui a un moment focalisé toutes les attentions. Le berceau, la retraite, qui aura remarqué le contraste?

Au moment des cadeaux, je crois bien que Michèle a failli verser une larme. Pour déboucher les bouteilles, il manquait un homme: je ne suis pas arrivé à bout du bouchon. Heureusement, une documentaliste à la main experte a sauvé la situation mais pas mon honneur. Vers la fin, le crémant avait monté à la tête de certaines collègues vulnérables. Je me suis inquiété pour elles. Mais il n'y a pas eu de débordements.

Un lycée est paraît-il un "lieu de vie". Pour les élèves peut-être, pas pour les enseignants. Notre établissement est indécrottablement un lieu de travail qui ne favorise pas le laisser aller, même quand l'alcool et la nourriture entrent en salle des profs. Pour s'amuser dans un lycée, il faut avoir beaucoup d'imagination, ou beaucoup d'inconscience.

Le lendemain, à 8h00, toute trace de la cérémonie avait disparu. Pas de miettes sur la table, pas de taches au sol, pas de bouchon égaré dans un coin, pas de coupables cadavres. Comme si rien la veille ne s'était passé. Mais quelque chose hier a-t-il eu lieu? On a peine à le croire, quand on voit la grande table nue et l'ambiance studieuse. Tout s'est effacé. Michèle aussi, qui pour la première fois de sa vie n'est pas venue ce matin au lycée.

Ah si, il reste une marque invisible: dans la longue rangée de nos casiers, l'un d'entre eux a perdu sa petite étiquette qui porte habituellement le nom de son propriétaire. A l'intérieur, c'est un tombeau vide. C'est tout ce qui reste de Michèle. Quand je passerai devant, je penserai ainsi à elle.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Mme Camhi était une prof très humaine, très proche des élèves qui bossaient qui voulait absolument qu'on y arrive mais je pense qu'elle en avait marre de la 2BC1 qui lui pourrissait ses cours. C'est dommage, elle était vraiment passionné parce qu'elle faisait.
C'est grâce à elle que j'aime le français et que j'aime désormais lire..
Je vous remercie Mme Camhi..

Emmanuel Mousset a dit…

C'est quoi ces terribles 2BC1?

Anonyme a dit…

C'est ma classe. C'est sans doute la pire classe des secondes. En fait, la plupart des personnes dans cette classe n'ont pas le niveau pour être en 2nde et vu qu'ils savent qu'ils passeront pas en 1ère, ils pourrissent tous les cours. Alors que notre classe est profilé majortiterement litteraire et un peu ES..

Emmanuel Mousset a dit…

Que vont-ils faire alors après leur Seconde?

Et toi, tu seras peut-être mon élève dans deux ans...

Anonyme a dit…

La plupart redouble ou vont en bac pro ou au en STG.
2 personnes risquent d'allez en S
environ 4-5 personnes en ES
Et à peine 10 en L..

Oui, je serai surement votre élève dans deux si vous resrez..

Un remis sur pied a dit…

Et à un degrès de probabilité moindre, votre élève d'ECJS l'an prochain, car ils ont aussi un profil Littéraire ceux de cette année.

Je ne pense pas que l'on puisse être "sûr" de savoir si l'on passe ou non en classe supérieur. En 2nde il y a plusieurs "sous moyennes" (Littéraire et scientifique) et si l'accès en 1ère Littéraire leur est refusé, ils pourront choisir une autre série générale pour certains suivant leurs points forts.

J'ai souvenir d'avoir eu 8,90 en seconde et suis en série L donc voilou :)

Et Mr Mousset a encore combien d'année? (au moins 2ans)

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne suis pas sûr d'enseigner l'ECJS l'an prochain, car ce sont aussi les profs d'histoire qui s'en chargent.

Etant devenu prof assez tard, je vais le rester encore longtemps. Tant mieux d'ailleurs! Ca ne me dérange pas, j'aime ça.

Anonyme a dit…

Un remis sur pied --> T'es en 1ere L1 ?

De toute façon si je passe en 1ere L je sera sans doute en 1ere L1 car je ne fais pas d'options arts et par conséquent, je ne serai pas en 1ere L2.
Mais il y a de fortes chances que je passe en ES..

Un remis sur pied a dit…

J'ai des options linguistiques et on m'a mis en L2

Il n'y a rien de prédéfini faut croire, ni le passage en classe supérieur, ni son "atterisage". :)

grandourscharmant a dit…

La retraite,
ça sonne comme une déroute militaire.

Je ne l'ai jamais eu comme professeur de lettres classiques
mais c'était une petit dame bien sympathique.

Emmanuel Mousset a dit…

Ca sonne aussi comme une retraite monastique, le recueillement religieux, la quête de l'essentiel.

Anonyme a dit…

grandourscharmant --> Vous êtes donc prof' à HM : Mais qui ets-vous donc ? J'ai une petite idée..

Emmanuel Mousset a dit…

Moi aussi, j'ai ma petite idée.

grandourscharmant a dit…

Je ne sais pas comment je dois le prendre.

avoir rencontré quelqu'un ne signifie en rien avoir été son collegue.

Je ne suis qu'une idée.

cela fait bien des années que j'ai quitté le LHM et il ne me manque pas.
Il y a une vie en dehors du lycée.
Le monde est bien vaste au-delà de ses grilles.