lundi 6 avril 2009

Arrêter de corriger?

J'ai commencé ce week-end la correction de copies rendues par les élèves il y a déjà quinze jours. Et ils doivent me rendre un prochain travail dans dix jours. C'est vous dire s'il était temps que je m'y mette! Ma grippe est à peine une excuse... Mais quand c'est parti, c'est parti: j'en ai fini avec les S, distribuées ce matin, et les ES ont été largement entamées. Bref, je tiens le bon bout. Sauf que je me pose une question: pourquoi corriger? Et si j'arrêtai?

Je continue parce que je suis fonctionnaire, obéissant à ma hiérarchie, appliquant ma mission, qui consiste aussi à évaluer mes élèves. Mais je ne peux pas m'empêcher de m'interroger: à quoi ça sert vraiment? Et ce n'est pas un problème de déplaisir personnel: j'aime plutôt, je vous l'ai déjà dit, corriger des copies, c'est une façon de dialoguer avec la pensée de l'élève, c'est un devoir que j'accomplis de bonne grâce, c'est le boulot et je m'y plie.

Non, mon trouble et ma petite révolte sont ailleurs: dans l'efficacité des corrections. Je passe des heures et des heures à corriger, des jours et des jours, mais l'élève, combien de temps met-il à lire mes appréciations en tête et en marge de sa copie? Quelques minutes à tout casser. Ce qui l'intéresse surtout, et c'est parfaitement compréhensible, c'est la note, un point c'est tout. Après basta, il s'en fout! Est-ce que des appréciations écrites de prof ont jamais fait progresser un élève? Je ne crois pas.

Je crois pourtant en la progression de chacun, sinon il serait désespérant pour le prof d'enseigner et désespérant pour l'élève de travailler. Mais les progrès se font dans les efforts, les exercices, pas dans la lecture des corrections que donne le professeur. Donc j'en reviens à mon problème: il y a perte de temps à corriger une copie, c'est un mauvais rendement. Il faudrait en fait s'y prendre autrement, proposer autre chose, désacraliser les notes, trouver une alternative à la dissertation. Tout ça est à réfléchir, mais ce qui est certain, c'est que je ne vais pas faire la révolution tout seul dans mon coin.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

la feignasse c'est celui qui le dit qui y est !

JPh. D. a dit…

Belle réflexion sur le statut de la correction... que je partage. D'expérience, cependant, les "quelques minutes" passées à lire les annotations et commentaires peuvent parfois, des années plus tard, continuer à produire leur effet. Le problème étant que l'intime commande de ne pas le dire au prof qui a corrigé et, du coup, doute.

La pratique de l'évaluation quantitative reste indispensable pour (se) situer et comparer l'incomparable : des millions d'écoliers, de collégiens, de lycéens, d'étudiants, de salariés, corrigés par des milliers de correcteurs... C'est un besoin fondamental de lespèce humaine (Foucault).

Le statut de la correction telle que vous l'évoquez, c'est-à-dire pour l'évaluateur soucier de bien faire son métier, se trouve, pour moi, dans la logique du don de Mauss : on en revient alors au début de ce commentaire. Mauss parlait de l'obligation de recevoir pour le récipiendaire du don... et de celle de rendre. Cela nous fait une longue chaîne, quelque peu invisible peut-être, mais pour le seul principe qu'un seul pourrait être transformé, y compris des années plus tard, cela vaut la peine !

Bon courage

Emmanuel Mousset a dit…

Merci pour votre réflexion.