mercredi 18 mars 2009

Le bonheur philo.

Communion, énergie, enthousiasme, lumière, bonheur, c'est ce que j'ai vécu, exceptionnellement, cet après-midi, à Cambrai, devant l'Université du Temps Libre, où je me rends régulièrement pour des conférences. Mes termes sont religieux et inhabituels, je le sais, mais j'ai perçu les choses ainsi. Ajoutez amour pour faire bonne mesure. La pensée est une nourriture qui se partage, un pain qu'on rompt, qu'on consomme, qui alimente l'esprit. Ce n'est pas qu'une métaphore; il y a quelque chose de quasiment physique dans l'acte de réfléchir ensemble.

Un beau soleil m'avait accompagné, et ça tombait plutôt bien puisque je devais parler du Prologue dans le Zarathoustra de Nietzsche, philosophe de la méditerranée et de la clarté. Le grand public cultivé qui constitue l'UTL est en phase, en complicité avec moi. C'est un vrai régal. J'enseigne seul autant que nous pensons collectivement. Ils savent, je n'ai plus qu'à réactiver le feu, provoquer la lumière.

Ce ne sont pas des étudiants, encore moins des élèves, mais ce que Nietzsche appelle, dans la partie 9 de son Prologue, des "compagnons". Ce bonheur-là, je ne le connaîtrai pas, ou très rarement avec mes classes. C'est pourquoi j'ai besoin de ces interventions à Cambrai, à Laon, partout où l'on me demande pour une conférence, que je distingue du café philo et de son animation. Mes racines nourricières puisent dans ce genre d'enseignement et de public. J'en tire une satisfaction que je retrouve rarement ailleurs, dans les rapports humains.

Aussitôt quitté Cambrai, j'ai filé du Nord vers l'Aisne, en direction de Bernot où m'attendait cette fois un café philo: La vie a-t-elle besoin du bonheur? Là, c'est un public rural, plus populaire, mais c'est la magie de la philosophie que d'être universelle. Entre spécialistes elle ne m'intéresse pas, entre profs de philo elle ne m'intéresse guère. Elle ne prend toute son ampleur que lorsqu'elle est elle-même, universelle, quand elle peut toucher n'importe quel milieu.

De drôles de pensées nous sont venues, ce soir à Bernot. Une dame a raconté un atroce bonheur d'enfance: son père lui avait offert de mignons petits canards, qu'elle avait trouvé un malin plaisir à précipiter un par un dans un puits sombre, pour les entendre atteindre le fond et faire "floc" "floc". Ce geste et ce bruit étaient pour elle tout un amusement, qui lui a valu de son père une paire de claques.

Après le bonheur et le mal, un intervenant nous a interpellé sur le bonheur et la mort, en racontant le visage calme, tranquille , serein du cadavre. Et si la félicité s'atteignait dans le néant, quand on s'y consume? La fin a été plus gaie, puisque nous avons eu droit à une chanson interprétée par un ancien qui ne s'est pas fait prier. Sur le chemin du retour, une expression m'est revenue en tête: heureux comme un coq en pâte. Qu'a-t-il donc de si heureux, ce coq-là, qui n'est pas de chair et d'os mais tout en sucrerie?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

LE bonheur de savoir que des personnes de l'extérieure sont venues et furent très contentes de s'exprimer malgré un manque de confiance au départ.
La philo est un état qui se laisse accéder en gravissant les marches de l'inconscience sans conscience qui n'est que la prison de tout être humain.