vendredi 20 février 2009

La beauté d'une classe.

Qu'est-ce qui est beau dans une classe? Pas le professeur faisant cours. Pourtant, ça peut être très beau, un beau cours, bien fait, bien dit, avec des élèves qui regardent, qui écoutent, qui peut-être admirent. Mais ce n'est encore rien, parce que la classe n'est pas faite pour ça, recevoir la prestation oratoire et intellectuelle du professeur. C'est ce qui distingue l'enseignement de la conférence. Les élèves peuvent écouter, même être subjugués, et ne pas comprendre, et ne rien apprendre. Or l'école est faite pour ça: apprendre et comprendre.

Qu'est-ce qui est beau alors dans une classe, si ce n'est pas le professeur dans ses pompes et ses oeuvres? Les élèves qui s'éveillent, qui lèvent le doigt, qui participent. Oui c'est beau, mais est-ce ce qu'il y a de plus beau? Je ne suis pas certain. D'abord parce qu'il y a des élèves qui ne participent pas mais qui écoutent, et je me demande parfois s'il n'y a pas plus de vertu et d'intelligence à écouter qu'à parler. Et puis il y a la timidité naturelle, la simple décence qui font qu'on ne s'exhibe pas ainsi, même verbalement , devant tout le monde. Enfin, j'ai ce souvenir et cette expérience des élèves bavards, qui causent plus qu'ils ne parlent, qui ouvrent la bouche et laissent tout sortir. Souvent, c'est n'importe quoi, et à l'écrit, c'est très mauvais.

Où est donc la beauté d'une classe? Je vais vous le dire maintenant, après cette semaine de bac blanc: rien n'est plus beau, pour un enseignant, que de voir le visage d'un élève qui pense en silence. Je les ai examinés, furtivement, ces fronts qui se plissent, ces sourcils qui se froncent, ces yeux qui cherchent, ces têtes qui s'inclinent devant leur feuille ou bien qui se lèvent comme si des idées passaient au plafond, ces mains qui caressent de perplexité leur menton. On croit que la réflexion est purement un acte mental. Faux! Elle est tout autant physique: il faut s'y mettre corps et âme.

Un visage qui réfléchit, c'est beau, un visage qui s'ennuie, c'est très laid. La victoire de l'enseignant est là: pousser ce visage à réfléchir. Et quand dix, vingt, trente visages réfléchissent en même temps, c'est très beau. Cherchez bien: vous ne trouverez pas d'autre beauté dans la classe que celle-là. La salle peut être grise, les tables sales, l'enseignant médiocre, si cette beauté-là existe, si les élèves travaillent, si la philosophie les amènent à réfléchir, même modestement, même médiocrement, c'est gagné, quelque chose a été sauvé, préservé. Un élève qui travaille, ça se voit en lisant sa copie, mais d'abord en observant son visage.

Bonnes vacances à mes élèves,
et bon travail.

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