vendredi 30 janvier 2009

Un regard de défi.

10h00, ce matin, fin du cours. Je reste à mon bureau, attendant que la salle de classe se vide, comme à chaque fois. Le professeur doit entrer le premier et sortir le dernier. Une élève s'arrête devant moi. C'est rare, mais ça existe. Les élèves ont autre chose à faire qu'à discuter avec leur prof, sauf pour une question pratique, une formalité administrative, quelquefois une demande pédagogique. Là, ce n'est ni l'un, ni l'autre. Alors quoi?

Dans les yeux de l'élève, je sens une sorte de défi, quand elle me dit: "L'orgueil, ce n'est pas une vertu, c'est un des sept péchés capitaux". Je m'apprête à lui répondre, elle est déjà partie, terminant sa réplique par un "au revoir monsieur" qui ne me laisse pas le temps de réagir. Il y a ainsi des formes de résistance qui se développent chez les élèves, des révoltes enfouies, qui s'expriment comme elles peuvent, la voie directe étant interdite.

Il faut que je vous explique. Nous sommes en train de terminer l'étude du Prologue du Zarathoustra, chapitre X très exactement, avec au centre l'image étonnante de l'aigle et du serpent devenus amis, allégorie du dépassement du grand homme (l'aigle) et du dernier homme (le serpent). Je vous épargne les commentaires philosophiques, j'en viens tout de suite à l'objet du litige: le grand homme dépeint par Nietzsche, c'est l'homme fier, orgueilleux, porté à faire de grandes choses.

De ce point de vue, l'orgueil est une vertu, celle des forts, de ceux qui croient en eux-mêmes, qui n'ont nul besoin de la reconnaissance des autres. Vertu au sens de la virtu des Grecs, la capacité, comme on parle aussi des vertus, des qualités d'une plante. Mais cette conception est antique, païenne. Pour le christianisme, l'orgueil est un défaut, plus précisément un "péché capital".

Voilà ce sur quoi l'élève s'est appuyée, voilà l'origine de son regard de défi, de la malice qui s'est répandue sur tout son visage, de sa fuite pour me laisser désemparé. En vérité, je ne le suis pas, je viens de vous l'expliquer. Mais j'aime que des élèves me résistent, me contrent, me lancent des piques, pourvu que ce soit intelligent, intelligible. Ce qui ne pardonne pas en philosophie, ce qui est rédhibitoire, c'est la bêtise.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vous vous faites réellement dépasser par vos élèves... Un prof d'un autre âge!