dimanche 25 janvier 2009

Trop facile.

Quand des élèves sortent d'un devoir surveillé, comme il y a une semaine, deux phrases, qui sont aussi des formules rituelles, ne sont pas à prononcer devant moi, sinon au prix de mon irritation, d'autant que j'ai prévenu, en condamnant dès le début de l'année scolaire ces types de réactions, évidemment coupables. Pourtant, elles semblent anodines, et même légitimes. Elles en sont donc encore plus dangereuses.

La première, "Les sujets étaient durs", n'a d'abord pas de sens. Un sujet de philo qui ne serait pas "dur" mais simple, fastoche, ne serait pas un sujet de philo. A quoi bon suer sang et eau huit heures par semaine pour les L si le travail demandé est facile, c'est-à-dire si ce n'est pas un travail? D'autre part, tel sujet n'est pas plus "dur" qu'un autre. Les questions de dissertation ou les commentaires de texte sont d'égale difficulté.

Il n'y a pas de hiérarchie, sinon apparente, donc trompeuse: un texte peut paraître clair alors qu'il est complexe, une question peut sembler accessible alors que ses réponses le sont beaucoup moins. En philosophie, il faut se méfier comme de la peste de la fausse facilité, qui est la cause de nombreux échecs. A l'inverse, des sujets d'un abord ardu trompent moins leur monde, font moins céder à l'illusion. On aura beau chercher, on ne pourra esquiver cette réalité: philosopher, c'est se casser la tête.

La deuxième réaction, "Je n'ai pas été inspiré", m'est encore plus insupportable que la première, qui a pour elle une pseudo-objectivité, tandis que celle-là se rabat sur la pure subjectivité (qui n'a pas sa place dans cette discipline rationnelle qu'est la philosophie). La philo, c'est du boulot, pas de l'inspiration. Le philosophe est un travailleur, un raisonneur, ce n'est pas un mystique ou un artiste attendant l'opération de je ne sais quel Saint Esprit.

Bien sûr, un sujet peut intéresser plus qu'un autre, sa matière nous être plus ou moins familière, ses réponses nous venir plus ou moins aisément. Mais ce n'est en aucun cas assimilable à ce qu'on appelle l'inspiration, sans doute nécessaire à l'écrivain, mais pas au penseur. J'irais même plus loin: si inspiration il y avait, je m'en méfierais, car le fond de ce comportement, être inspiré, ne me paraît pas très rationnel, plutôt surnaturel.

Mais le pire que je puisse ressentir dans ces deux formules, c'est éventuellement leur hypocrisie. Trop facile de se plaindre que "les sujets sont durs", trop facile de regretter qu' "on n'a pas été inspiré". On se prépare alors à excuser, à prétexter, à justifier un échec, une mauvaise note. Quand des élèves reproduisent des propos que j'ai régulièrement demandé de bannir de leur vocabulaire et de leur tête, c'est que leur résistance à la philo est plus forte que tout, c'est que la volonté de contourner le travail qui est exigé balaie les objections sur lesquelles j'ai pourtant insisté.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

bah la dernière dissert je l'ai trouvée super dure et j'ai pas été inspiré.
Stou

Emmanuel Mousset a dit…

C'est super dur d'être prof, il faut vraiment être inspiré.

Anonyme a dit…

Je suis désolé, mais oui il y a quand une part d'inspiration quand on traite un devoir de philo' !

Emmanuel Mousset a dit…

Alors, une toute petite part. Le reste, l'essentiel, c'est du travail.