mercredi 28 janvier 2009

Les étudiants de Cambrai.

Ce matin, alors que nous finissions la dissertation "Désobéir peut-il être un devoir?", je l'ai vu à un mètre de moi, au premier rang, cet élève qui dormait. Vous auriez fait quoi? Au début, il n'était pas là, mais tout au fond. Mais personne aux trois places du premier rang! Et je n'aime pas ça, avoir des chaises vides devant mon bureau, comme si la classe glissait, me fuyait.

Alors, j'applique à ma façon, et dans l'ordre inverse, le précepte évangélique: les derniers deviennent les premiers, sans qu'ils s'en réjouissent vraiment. Voilà comment mon dormeur s'est retrouvé très exposé, succombant malgré tout sous la chape de plomb de son sommeil. Je l'observais depuis un certain temps, il ne faisait pas grand-chose, l'oeil n'était guère vif, et surtout, le stylo ne prenait pas beaucoup de notes.

Qu'est-ce que j'ai fait, une fois l'élève sous l'emprise de Morphée? D'abord j'ai pris la classe à témoin, sur le ton de la plaisanterie, et elle me l'a bien rendu. Pendant une minute au moins, l'élève n'a pas réagi, au milieu des rires. Dormir, c'est plus fort que tout. Et quand il s'est réveillé, son visage était plein de traces de sommeil et de marques de la manche de son pull-over. Je n'aime pas interrompre quelqu'un qui dort et qui a peut-être des raisons pour ça. Mais je lui ai proposé, puisqu'il était manifestement fatigué, de rejoindre l'infirmerie. Tant qu'à dormir, autant être allongé. Il a bien sûr décliné mon offre...

Au moins, il y en a qui n'ont pas dormi, aujourd'hui, ce sont mes "étudiants" de Cambrai, à qui j'ai rendu une deuxième visite, trois semaines après la première. Ça s'est à nouveau très bien passé. Ils sont vifs, curieux, ils participent volontiers et je fais tout pour qu'ils participent, leur donnant l'autorisation de m'interrompre pendant ma conférence.

Nous avons parlé de quoi? De l'allégorie de la Caverne chez Platon, que j'ai exposée devant l'IUTA de Laon il n'y a pas si longtemps. Même miracle, celui de la vie. Car l'enjeu est celui-ci: comment rendre vivant, comment donner le souffle de la vie à un texte ancien, complexe? Il faut prendre cet écrit à bras le corps, le questionner, le faire parler. Ça marche. Nous avons lu, nous avons réfléchi, nous avons ri. 2 400 ans plus tard, Platon a ressuscité à travers le commentaire de son écriture. Il faut aimer pour comprendre, il faut comprendre pour aimer. C'est ce que nous avons fait.

2 commentaires:

Dormeur a dit…

Je ne sais pas si vous voyez encore les commentaires de ce blog, mais si vous voyez celui ci, je tenais a m'excuser d'avoir dormis pendant au moins, si ce n'est plus, la moitié de l'année. Aujourd'hui je suis chez un ami, avec mon amie, et en relisant ces articles, en repensant à cette classe de Terminale L2, en leur parlant de vous, vos méthodes, vos pensées, je me rend compte, avec le recul, que vous étiez certainement le professeur, mon professeur, le plus juste,le plus humain, et le plus fascinant. Certes, je n'ai pas été souvent conscient de ce qu'il se passait dans cette salle du troisième étage... Mais j'ai au moins appris le chemin de l'idée, qui née, grandit et s'épanouie dans son développement, et aujourd'hui, par plaisir, je relis les sujets des dissertations que j'ai rendu en retard (ou pas du tout, mea maxima culpa) et essaye, dans mon ignorance de jeune adulte, d'y répondre, tant bien que mal... Merci d'avoir ouvert on esprit, du fond du cœur, merci.

Thomas Midelet.

Emmanuel Mousset a dit…

Merci Thomas. Dormir, ce n'est pas grave ; l'essentiel, c'est de réussir sa vie.