samedi 10 janvier 2009

Connaissez-vous le PAS?

Cette semaine, dans mon casier, j'ai trouvé un étrange papier, intitulé "Le réseau Prévention Aide Suivi des personnes fragilisées". Quelles personnes fragilisées? Les personnels de l'Education Nationale. Pour faire quoi? Rencontrer "un professionnel de l'écoute". Pour aboutir à quoi? "Les aider à la recherche de la solution la plus appropriée". Avouez que c'est un peu sibyllin. Comme je ne me sens pas "fragilisé", je ne me sens pas concerné, mais j'ai envie de comprendre.

Alors, comme tout le monde en pareille situation, je vais sur le Net, je demande à Google. L'Inspection Académique de Besançon est plus explicite. Voilà un extrait de son dépliant:

"Vous rencontrez des difficultés professionnelles et/ou personnelles. Vous avez des relations difficiles avec: les élèves, les collègues, la hiérarchie. Vous éprouvez de l'agressivité, de la lassitude, vous êtes démotivé(e). Vous vous sentez isolé(e). Vous éprouvez un sentiment de dévalorisation, d'angoisse. Vous vous sentez dépendant (alcool, médicament,... ). Vous pouvez en parler en toute confidentialité, pour faire le point et être conseillé(e) par un psychologue".

Voilà. Je ne veux pas me moquer (qui oserait se moquer des "personnes fragilisées"?). Mais je dois dire ce que j'en pense. Je suis surpris, très surpris. Et perplexe. Je n'imagine pas un seul instant qu'on puisse être enseignant et correspondre au tableau ci-dessus. Un enseignant, comme tout le monde, a le droit d'avoir des défauts, sauf un: la fragilité. Face à une classe, pour transmettre quelque chose, il faut être fort, mentalement, et même physiquement. Ce n'est pas une condition qu'on trouve dans tout métier.

Un enseignant fragile, c'est un oxymore, c'est inconcevable, ça ne peut plus être un enseignant, car une classe, elle, n'est jamais fragile. Elle a le nombre, la force pour elle. Elle ne peut être maîtrisée, canalisée, éduquée que par une autre force, celle de l'enseignant. Quelqu'un de fragile peut être employé de bureau, travailleur en usine et bien d'autres emplois encore, mais pas enseignant. Si Péguy disait des instituteurs qu'ils étaient "les hussards noirs de la République", c'est qu'il avait bien compris leur côté soldats laïques. Un enseignant est toujours au front, c'est un combattant. Ses ennemis? Pas les élèves, bien entendu! Mais l'ignorance, le préjugé, la paresse, qui sont des tendances naturelles chez l'homme, très puissantes, et plus encore chez l'enfant.

Je ne parle évidemment pas des névroses, des pathologies, qui sont des drames personnels. Mais le PAS ne vise pas cela. Il est bien précisé que ce n'est pas un "lieu de soin", mais d'écoute et de conseil. La dépression, quand elle existe, relève du spécialiste. Là, si j'ai bien compris, c'est autre chose, qui n'en mérite pas moins qu'on s'y intéresse et qu'on la traite: une perte de moral, une sorte d'abattement, des problèmes personnels. Une "personne fragilisée" n'est pas une personne malade. Mais je reste persuadé qu'on ne peut pas enseigner, se lever chaque matin pour affronter 30 jeunes qui pensent naturellement à autre chose qu'à ce que vous avez à leur dire, quand on est une "personne fragilisée". C'est d'ailleurs un euphémisme: il n'y a pas de personnes "fragilisées" (par quoi?), il n'y a que des personnes fragiles, qui ne devraient pas, pour cette raison, choisir le métier d'enseignant.

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