mercredi 17 décembre 2008

Noël dans l'air.

Mon Ciné-Philo de lundi n'a pas attiré les foules. Le film, pourtant, était passionnant, le sujet d'une brûlante actualité: "C'est dur d'être aimé par des cons", documentaire de Patrice Leconte sur le procès intenté à Charlie-Hebdo pour sa publication des caricatures de Mahomet. Nous étions une petite trentaine, mais le débat a bien fonctionné. Il y avait matière! La liberté d'expression, le respect des convictions, les limites du rire, le refus d'offenser, le droit au blasphème, l'intégrisme islamiste, l'intolérance religieuse, etc.

Alors pourquoi si peu de monde? Dans toute manifestation publique, et j'ai quelque expérience, il faut être très modeste: on ne fait pas venir les gens, ce sont eux qui choisissent de venir. Le public est roi, les organisateurs ne sont que des prestataires, pas des faiseurs d'opinion. Pour le film de Leconte, j'ai mon explication, qui vaut ce qu'elle vaut: nos concitoyens n'ont pas l'impression, à tort ou à raison, que la liberté et la laïcité sont menacées en France, contrairement à la démonstration que fait Philippe Val et l'équipe de Charlie. C'est ainsi, même si je suis, en ce qui me concerne, du côté de Val.

Dans le lycée, on sent Noël approcher. La proximité des vacances met un peu d'excitation dans l'air. Comme chaque année, j'aperçois (pas dans mes classes pour le moment) des élèves qui s'affublent du ridicule bonnet rouge à pompon blanc du Père Noël, qui me fait penser à la quille que brandissaient autrefois les conscrits en gueulant. Sauf que les lycéens ne crient pas. Ce n'en est pas moins ridicule. Que veulent-ils exprimer en mettant ça sur leur tête? La fin du trimestre? L'approche des Fêtes? Je n'en démords pas, je trouve ça idiot.

Dans l'excitation ambiante, n'y aurait-il pas un peu de relâchement? Mes Terminales ES m'ont demandé quelque chose que je déteste et que j'accorde rarement: le déplacement de la remise des devoirs, prévue pour demain, reportée à après-demain. J'ai dit oui parce que la doléance était raisonnable, argumentée et présentée avec intelligence. Certains craquent devant la beauté; moi, c'est devant l'intelligence, à laquelle je ne sais pas dire non. La classe avait choisi la bonne stratégie: passer par la déléguée, ne pas demander un report excessif, le justifier par une raison que j'ai déjà oubliée mais qui m'a convaincu quand je l'ai entendue.

Rien à voir avec les L, qui ont été maladroits au possible dans la même circonstance (voir mon billet du 6 décembre). Ceci dit, ne vous faites pas d'illusion, les petits: ce genre de demande est un fusil à un coup. Une fois tiré, c'est fini, ça ne se reproduit plus. Ce qui a été intelligent une fois ne le sera pas une seconde fois. L'Histoire ne se répète pas, sinon elle bégaie, disait Marx. Parlez, mes élèves, mais ne bégayez pas.

A mettre au compte cette fois de l'excitation nationale, les lycéens d'Henri-Martin, malgré le recul du ministre sur la réforme de la classe de Seconde, vont organiser demain une assemblée générale dans l'établissement, et vendredi une manif place de l'Hôtel de Ville. Pour la manif, je ne serai pas là, devant animer un atelier-philo à Guise à la même heure. Pour l'AG, j'irai sans doute, puisque les lycéens m'ont invité. Mais je ne dirai rien, je ne ferai rien pour les influencer. Laïcité oblige, nous serons dans l'enceinte scolaire, où je n'ai pas à faire état, devant des élèves, de mes convictions personnelles. Mais je leur prodiguerai quelques conseils que je crois utiles et indispensables: respect de la légalité, rejet de l'activisme, condamnation de toute violence, contact nécessaire avec les autorités, scolaire, syndicale et préfectorale.

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