samedi 20 décembre 2008

Lycéens citoyens.

Premier jour des vacances. J'ai encore en tête les "bonnes vacances" que m'ont adressées hier quelques élèves. Pour moi, ce sera trois paquets de copies à corriger! Mais pas que ça, bien évidemment... En attendant, j'ai reçu ce matin un courrier, non posté, une dissertation à l'intérieur, d'une élève de S, malade et donc absente au moment de la remise du travail. Un mot du père l'accompagne, où il me prie de bien vouloir accepter ce devoir malgré le retard. Et il me donne du "Monsieur le Professeur de Philosophie"! Voilà qui change de la négligence et désinvolture de certains. Tout ne se perd pas en ce monde (clin d'oeil au Café-Philo de Bernot!).

Ce matin, à la une du journal local "L'Aisne Nouvelle", je tombe sur la photo de trois lycéens d'Henri-Martin: Simon, le responsable de l'UNL (Union Nationale Lycéenne), élève en Première, Lisa, une de mes ES, et quelqu'un avec une sorte de bonnet péruvien, que je croise dans les couloirs sans connaître son nom. Que font-ils là? Ils ont manifesté hier après-midi dans Saint-Quentin, avec 250 de leurs camarades, contre la réforme Darcos, avec des slogans parfois iconoclastes, des slogans de leur âge, comme celui-là, assez joli: "Carla, tu es comme nous, on se fait baiser par Sarkozy".

Mais l'essentiel est ailleurs, dans le sérieux du mouvement: des revendications précises, pas de casse. Jeudi, à leur invitation, j'étais passé à l'assemblée générale des lycéens, pour ne leur dire qu'une seule chose: pas de casse, respect de la légalité. Quand un élève m'a demandé ce qu'était pour moi le nombre idéal d'une classe, je n'ai pas répondu, je ne suis pas entré dans le débat. C'est le leur, pas le mien. Je n'ai pas à les influencer, même involontairement, même pour la bonne cause.

Ils étaient une trentaine dans leur AG, sur plus de 500 lycéens. C'est ainsi. Les mouvements collectifs sont toujours à l'initiative d'une minorité. Les autres suivent. Cette minorité, quelle que soit la cause pour laquelle elle se bat, quelle que soit ma position personnelle, je l'estime, je l'admire. Plus que chez l'adulte, il faut du mérite à un jeune pour faire son métier de citoyen. Ceux qui se mobilisent aujourd'hui ne seront plus au lycée demain. Ils militent pour leurs futurs camarades. C'est beau, c'est bien (encore une fois sans préjuger du bien-fondé ou non de leur combat).

Simon, qui mène le mouvement, est un garçon gentil et sérieux. Lui et ses amis ne font pas tout ça pour sécher les cours, je le sais, ça se sent. Ils ont des convictions, mal assurées peut-être, contestables sans doute, mais ils en ont. Combien d'adultes n'en ont pas ou plus? Je lis dans leurs regards, sur leurs visages, cette force des convictions. Ne croyez pas que j'idéalise ou que j'embellis. Je ne suis pas du genre naïf, je n'idolâtre surtout pas la jeunesse. Mais j'aime voir des jeunes agir ainsi, bien persuadé que ceux qui ne le font pas maintenant, à cet âge, ne le feront jamais, plus tard.

J'ai aussi à l'esprit qu'il y a dix ans, dans cette même salle 135 de mon établissement, j'assistais à une AG de lycéens, à propos de je ne sais plus quoi (depuis, et avant la dernière, il n'y en a pas eu d'autre, comme quoi les élèves n'abusent pas). Et ma mémoire remonte encore plus loin, il y a trente ans, au lycée d'Argelès-Gazost, dans les Hautes-Pyrénées, où j'étais interne, et où j'avais participé et un peu initié un mouvement de grève, dont j'ai oublié les raisons et les résultats, sauf qu'il a existé (il ne faut pas trop demander à la mémoire!). Lycéen citoyen, moi aussi, j'étais déjà.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Une lutte tel que celle-ci peut-être trés belle quand ses raisons sont véritables et que l'information est totale et donc pas dissimulée. Les tracts sont une grande facilité pour tenir des éléves dans l'information tronquée de syndicats qui méme s'ils ne le disent pas font de la propagande lycéenne quand on met en avant les activités extrascolaires dans une réforme QUE scolaire. Depuis quand l'éducation devrait tenir compte des loisirs du mineur autant que le majeur. L'éducation n'est pas là pour vous permettre d'avoir des loisirs, il y a plus de 50 ans l'éducation française était meilleure pourtant les loisirs n'étaient pas pour autant présent. La véritable éducation se trouve dans l'ordre et dans la réévaluation pour les lycéens de leurs réels objectifs... Un Avenir

Anonyme a dit…

A Anonyme :
L'avenir, que vous préférez majusculer, ne dépend-il que de l'éducation que l'on reçoit à l'école ? L'éducation non formelle et l'éducation informelle (dont l'action citoyenne, l'engagement associatif, le militantisme quel qu'il soit...) concourent très largement à la construction de soi.

Moi-même ancien militant politique (au sein d'une organisation de jeunesse politique), et désormais en passe de devenir salarié, je peux vous garantir que l'engagement que j'ai eu pour défendre certaines causes (fussent-elles bonnes ou mauvaises) ont largement concouru à mon assurance personnelle et à ma culture générale.

Que les idées que défendent les lycéens soient à vos yeux justes ou fausses, l'essentiel n'est pas là. Il est ailleurs : leur action -sporadique, construite, collective, individuelle, peu importe...- leur apporte-t-elle quelque chose ? La réponse, bien souvent, est oui.

Emmanuel Mousset a dit…

Je suis d'accord avec le précédent commentaire: l'éducation n'est ni le privilège, ni le monopole de l'Ecole. Celle-ci délivre une certaine éducation, à mes yeux indispensable et même primordiale, mais non exclusive.

Lisa-may a dit…

Tombée par hasard sur votre blog, c'est un plaisir de revivre par ce biais mon année de philosophie en terminale à hm ! Cet article tout particulièrement me rappelle bien des souvenirs, et si j'avais oublié nos slogans pour le moins fleuris, ce n'est pas le cas pour la sincérité et la soif changement qui menaient nos actions militantes. Merci pour ce rappel !