jeudi 20 novembre 2008

Joie à l'IUTA.

Il m'arrive, trois à quatre fois par l'an, d'aller donner une conférence devant l'IUTA, à Laon. La dernière fois, c'était vendredi. L'IUTA, c'est l'Institut Universitaire Tous Ages, qui dépend de l'Université Jules Verne d'Amiens. Le public est plutôt senior, très emballé par la philo, prompt à intervenir, à participer. Ces rencontres sont pour moi, comme tout acte d'enseignement, de transmission, un moment de joie. Vendredi, je leur ai parlé des philosophes et de la mort, et à nouveau, c'était très joyeux.

J'ai commencé par évoquer, dans une première partie, les questions et problèmes philosophiques que pose la mort:

- La mort est-elle vraiment une interrogation philosophique? Ne devrait-elle pas être laissée à la médecine ou à la religion?
- C'est quoi exactement la mort? Une fin ou un commencement? Une tragédie ou une libération? Une façon d'être ou un néant?
- Son problème psychologique, c'est plus la mort de l'autre, le scandale de son absence, que la mort de soi.
- Son problème moral, c'est le comportement à adopter face à la mort: peur ou sérénité?
- Son problème social, c'est la place qu'on accorde aux morts dans la société, la ritualisation de cet évènement qu'est la mort.

Ma deuxième partie s'est intéressée à la mort chez les philosophes, leur attitude, leur analyse et leur solution:

J'ai ouvert ce chapitre sur deux morts célèbres: celle de Socrate, condamné à boire la cigüe et qui se préoccupe, dans son dernier souffle, de savoir comment régler une dette (l'achat d'un coq!), celle du stoïcien Sénèque, qui met fin à ses jours sur ordre de son maître Néron, en s'ouvrant lentement les veines dans un grand bain tiède.

Epicure, lui, tient trop au plaisir de la vie pour y mettre volontairement un terme. Il assène ce jugement extraordinaire, dans sa Lettre à Ménécée: "Le plus terrifiant des mots, la mort, n'est rien par rapport à nous, puisque, quand nous sommes, la mort n'est pas là, et, quand la mort est là, nous ne sommes plus."

Et puis, j'en viens au sombre XVIIème siècle, où la peinture, à travers ses "vanités", aime à représenter la mort, Pascal conseillant sa méditation, alors que Spinoza pense exactement le contraire: "Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort, et la sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie." (Ethique, IV, proposition LXVII)

Le XIXème est plus optimiste, scientiste, rationaliste: Nietzsche nous parle certes de la mort, mais de celle de Dieu (prologue du Zarathoustra); Hegel, lui, s'intéresse à la mort des civilisations, qui n'a rien de tragique puisque c'est le mouvement même de la vie, le moment négatif de l'Histoire qui annonce un moment positif.

Au XXème siècle, guerres et génocides mettent la mort en avant. Qui de mieux que Freud pour nous expliquer que l'homme est victime d'une pulsion de mort, la recherche d'un plaisir morbide, thanatos plutôt qu'eros, la baisse de tension, le repos qui est aussi celui, éternel, de la mort. La "petite mort": n'est-ce pas ainsi qu'on qualifiait l'orgasme?

J'ai terminé, trop rapidement, faute de temps (la conférence dure deux heures), sur la perception de la mort dans la société contemporaine: exaltation de la jeunesse, disparition du cadavre, marginalisation du cimetière, et pourtant, les débats de société depuis trente ans nous parlent de la mort, avortement, peine de mort, euthanasie.

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