lundi 6 octobre 2008

Remise des notes.

J'ai donc remis ce matin leurs premières copies aux TL2. Désormais, rien ne sera plus comme avant entre nous. Ce n'est pas un drame, mais quand même... Jusqu'à ce jour, il y avait égalité entre tous les élèves, dans l'ignorance où j'étais des capacités des uns et des autres. C'est fini, je sais, ils savent, chacun d'eux correspond à une note, une hiérarchie s'est établie, il y a les mauvais, les moyens et les bons, un système de castes au sein de la classe, que je me dois à tout prix de casser.

Pourquoi? Parce que c'est mauvais. Chaque élève doit garder ses chances, jusqu'à la fin, d'avoir une note au moins correcte au bac. Je suis là pour que tout le monde progresse. Et puis parce c'est faux, trompeur. Un élève qui a un bon résultat aujourd'hui peut se planter demain, et inversement. Rien n'est jamais acquis ou définitif. La hiérarchie va bouger, c'est certain, parce que c'est mon travail de la faire bouger, d'amener l'ensemble à s'élever vers une égalité dans la qualité (je n'aime pas ce terme d'excellence, qu'on met à toutes les sauces, qui fait très joli mais qui est excessif).

J'ai rendu les copies comme je les ai prises, avec solennité. Une évaluation, c'est une sorte de consécration, qu'il faut à la fois relativiser et prendre au sérieux. J'ai d'abord expliqué que ces deux heures (oui, c'est le temps que j'ai mis) étaient un cours comme un autre, qui ne dispensait pas de l'attention ni de la prise de notes. J'ai précisé, parce que chaque année, beaucoup d'élèves prennent la remise des copies comme une sorte de formalité administrative, alors qu'il s'agit d'un enseignement à part entière, où je rappelle les conseils à suivre et les erreurs à ne plus commettre.

Des élèves, souvent, ne se sentent plus concernés quand je m'adresse individuellement à l'un d'entre eux pour faire des remarques sur sa copie. Pas de ça, pas avec moi! Dès que les élèves franchissent le seuil de la salle, ils se dépouillent de leur individualité, ils s'intègrent dans un groupe, ils doivent avoir des réactions collectives. Les comportements individualistes, c'est bon pour les couloirs, le foyer ou la cour de récréation. En classe, c'est la règle générale qui s'applique, tout ce qui est particulier est banni. Quand le professeur parle, même lorsqu'il s'adresse à un élève, ses propos valent pour tout le monde. Mon enseignement n'est pas une somme de cours particuliers.

J'ai présenté l'échelle des notes, pour que chacun s'y repère. Car une note seule ne veut rien dire. Chaque élève, pour savoir ce qu'il vaut, doit connaître sa position au sein du groupe. Ceci dit, je suis passé à la remise personnelle des copies, assortie de remarques tout aussi personnelles, généralement rugueuses. Car je ne suis pas là pour flatter les élèves. La note les encourage, les remarques orales les corrigent, à tous les sens du terme. Je commence dans l'ordre croissant des résultats, car ma priorité, ce sont les élèves en difficulté. Les meilleurs m'intéressent seulement s'ils peuvent entraîner les moins bons vers eux. Sinon, ils se débrouillent fort bien sans moi, c'est la définition même du bon élève.

Les élèves n'aiment pas trop cette petite cérémonie un peu cruelle. Elle est pourtant faite pour eux. Personnellement, je m'en passerais. Mais je sais qu'un groupe a besoin de rites pour exister. La remise des copies, telle que je la conçois, en est un, et il n'y en a pas tant que ça. A la sortie, certains élèves vont me détester, d'autres m'admirer. Ces réactions me laisseront parfaitement indifférent. Le seul sentiment que j'éprouverai, très discrètement, c'est celui de la satisfaction, quand je découvrirai leurs notes du bac, en début de juillet prochain.

Aucun commentaire: