mercredi 1 octobre 2008

Dieu en philo.

Pourquoi désirer l'impossible? A ce sujet de dissertation travaillé avec les élèves, parmi les réponses envisageables, nous avons parlé de Dieu, de la religion, qui promettent de satisfaire notre désir impossible d'immortalité, en nous annonçant l'existence d'un autre monde, éternel. A propos de la première notion étudiée dans l'année, "le bonheur", comment ne pas songer au Paradis, à l'extase mystique? Et concernant la troisième notion que nous sommes en train d'aborder, "autrui", à la question la présence d'autrui m'évite-t-elle la solitude? comment ne pas penser à cet Autre, ce tout Autre qu'est Dieu, à la fois présent (avec lui, pas de solitude) et invisible (nous doutons quand même de son existence)?

Pourtant, avec les élèves, quand j'introduis Dieu en cours de philosophie, surtout en début d'année, je prends beaucoup de précaution, parce que je crains le malentendu et la facilité. Malentendu car les élèves peuvent croire que nous sommes passés de la philo au caté, ce qui n'est bien sûr pas le cas, d'autant que je suis un scrupuleux laïque et un adversaire intransigeant du mélange des genres. Quand je parle de Dieu, c'est en tant que concept, jamais en tant que croyance, qui relève de l'intimité de chacun, pas de mon enseignement. Facilité parce que je redoute que les élèves, qui sont naturellement portés au mimétisme, ne me mettent Dieu à toutes les sauces, en farcissent leurs copies, me le refourguent à chaque occasion. Le personnage est tellement intéressant qu'on peut se laisser aller à en abuser...

Ces précautions prises, Dieu est une idée comme une autre, que les élèves peuvent parfaitement utiliser, pourvu que leur démarche demeure rationnelle. La plupart des philosophes se servent de ce concept, qui alors n'a plus rien à voir avec un être surnaturel telle que la religion nous le décrit. Pour Aristote, Dieu est le "premier moteur", le principe qui justifie l'existence du monde. Pour Spinoza, Dieu, c'est la totalité de l'univers. Même Nietzsche, le pourfendeur des religions, nous parle de Dieu, ne serait-ce que pour nous annoncer sa "mort"! Un prof de philo ne doit donc pas supprimer ce mot de son vocabulaire, d'autant que "la religion" est une notion au programme.

Mais pour les élèves, son usage est délicat et devient périlleux quand il est incompris. Combien de fois ai-je vu, dans des devoirs, des élèves faire appel à Dieu comme si son existence était une donnée factuelle, une évidence? Là, ça ne va pas, il n'y a plus le recul critique indispensable à l'exercice philosophique. J'accepte les démonstrations, pas les actes de foi. Ou alors, il faut que ceux-ci soient analysés en tant que tels, et n'apparaissent pas comme des vérités révélées, qui ont leur place dans la sphère privée mais pas dans la réflexion philosophique. Bref, à mes élèves, je redis prudence, prudence, restez philosophes en toutes circonstances, surtout lorsque vous invitez Dieu à la table de vos méditations.

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