mercredi 17 septembre 2008

Vive la maternelle!

Les propos du ministre de l'Education Nationale sur la maternelle ont provoqué remous, réactions et polémique toute la journée. Je rappelle les faits, c'est-à-dire son intervention au Sénat début juillet:

"Est-il vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits délégués par l'Etat, que nous fassions passer des concours bac+5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches? Je me pose la question."

La question, telle qu'elle est formulée par le ministre, semble frappée du coin du bon sens, à ce point qu'on devine aisément sa réponse: il ne faut plus recruter les enseignants de maternelle à ce niveau d'études. A mon tour, je me pose plusieurs questions:

1- L'activité de l'enseignant de maternelle est-elle essentiellement consacrée à l'organisation des siestes et au changement des couches? Non, mais à la lecture, écriture, calcul, socialisation, langage. C'est le programme.

2- Enseignant de Terminal en lycée, il m'est souvent arrivé de penser que mes collègues exerçant en maternelle avaient un rôle pédagogique, une fonction sociale plus précieux que moi. Pas besoin de lire Freud et les psychologues pour savoir que les premières années de la scolarisation sont fondamentales, que si l'enfant les rate, il rate tout. Les dernières années, de ce point de vue, sont moins déterminantes. Mes élèves de 17-18 ans sont déjà formés, largement autonomes, capables en partie de s'instruire par eux-mêmes. En maternelle, tout est à faire. Si j'étais parent, je serais peu préoccupé de savoir qui est le prof de philo de mon enfant, mais je serais extrêmement attentif à sa maîtresse de maternelle.

3- Pendant longtemps, la maternelle a eu une mauvaise image, celle d'une banale garderie, d'une simple crèche, où l'on dépose les enfants et où on les reprend, parce qu'on ne peut pas faire autrement. C'est l'image que véhicule Xavier Darcos, en parlant de siestes et de couches. Pourtant, la maternelle, ce n'est pas cela, c'est une école, l'école maternelle, et ça change tout: c'est un lieu où l'on apprend, où l'on s'éduque, pas un endroit où l'on se contente de dormir et d'être lavé après avoir fait ses besoins. L'enfant cesse d'y être un enfant, il devient un élève.

4- Les enseignants de maternelle sont des instituteurs et des professeurs des écoles, c'est-à-dire des enseignants à part entière, qui sont à ce titre mes collègues, dont je me sens totalement solidaire. Certes l'école maternelle est facultative, certes les enfants de 2 ans ne sont que 23,4% a y être scolarisés en 2006-2007. Mais cette école des tout petits fait partie intégrante de la grande école de la République, identiquement à l'école élémentaire, au collège, au lycée et à l'enseignement supérieur.

Cette grande et belle école de la République accueille des enfants, elle en fait des hommes. La maman qui conduit son fils de 2 ou 3 ans à la maternelle, qui pleure quand elle le quitte, songe-t-elle qu'elle le confie à une institution qu'il ne quittera qu'une bonne vingtaine d'années plus tard, quand il sera devenu un adulte doté d'un bagage universitaire ou professionnel? Ce qu'on appelle "système scolaire", c'est l'un des endroits où l'on reste le plus longtemps dans une existence. On n'y pense pas, on devrait pourtant. Le prof de fac devrait prendre conscience qu'il hérite d'une personne, l'étudiant, dont la formation a commencé il y a bien longtemps, sur les bancs de la maternelle. L'école de la République est une et indivisible, comme la République. Vive la maternelle!

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