mardi 23 septembre 2008

Avoir l'oeil.

Trois semaines que la rentrée a eu lieu. Les classes prennent forme, des visages émergent, c'est la période dangereuse. Les premiers jours, ce n'est rien, on découvre. Trois semaines après, c'est terminé, chacun sait à peu près à quoi s'attendre. C'est parti pour neuf mois. Les failles commencent à apparaître. J'arrive à repérer les élèves distraits, ceux qui bavardent, ceux qui notent très peu. L'indulgence s'estompe, l'oeil est aguerri, l'évaluation des uns et des autres est en marche. Malheur à l'élève qui ne l'a pas compris, qui se croit encore en début d'année. J'ai prévenu, personne ne sera pris par surprise. Mais la nature humaine est incrédule. Quand elle se souvient, c'est trop tard.

L'appel est un bon test. Ce n'est pas une formalité administrative, un protocole superficiel. L'énumération à haute voix des noms pour pointer les absents fait partie du cours, je l'ai dit. Quelques-uns ont déjà oublié. C'est une expérience intéressante pour mesurer leur mémoire. Pendant l'appel, l'élève doit être attentif. Deux erreurs se sont produites, j'ai mis absents des présents qui ne se sont pas suffisamment manifestés à mon attention à l'appel de leur nom. Surtout, il y a ces élèves qui parlent pendant l'appel, même à voix basse, gênant mon travail, distrayant leurs camarades et ne faisant pas ce que j'ai demandé de faire pendant chaque appel: relire les notes de la séance précédente. J'ai l'oeil, je vois, je n'oublie pas.

Une fois la porte de la classe fermée, c'est le signe que le cours a débuté. Inutile de frapper, d'entrer, de déranger, il faut immédiatement aller chercher un billet d'entrée à la Vie scolaire. Je l'ai dit, j'ai lourdement insisté: un élève ne l'a pas respecté, est entré alors que la porte était fermée. Je l'ai renvoyé. Seul un comportement exemplaire pourra le racheter.

Un autre élève m'interpelle sur ma messagerie. Il lit ce blog et a retenu que le premier devoir était pour la fin du mois. Il me demande à quelle date, il hésite entre plusieurs, car il n'était pas là le jour où je l'ai annoncée. Bouffonnerie! J'ai insisté, dès le premier cours de l'année, sur l'extrême rigueur que j'exigeais dans la remise des copies, en temps et en heure. Un élève absent doit s'informer auprès de ces camarades du contenu du cours, afin de le rattraper, et se tenir au courant de ce qui s'est dit, en l'occurrence la date précise de remise des premiers travaux. Celui-ci manifestement ne l'a pas fait, alors que c'est son devoir, sa responsabilité. Ou bien alors il feinte, ce qui est pire, il prétexte une formule de mon blog ("la fin du mois") pour se plaindre de son imprécision. Ce n'est pourtant pas sur ce blog que je fais cours. Bouffonnerie!

Dernière faiblesse coupable: les classes, c'est arrivé deux fois, qui traînent dans le couloir alors que la salle est ouverte, alors que j'ai demandé, en début d'année, aux élèves de rentrer et de se mettre au travail, même si je ne suis pas immédiatement là. L'élève, c'est dans sa nature, cherche à voler quelques minutes de liberté. C'est dans ma fonction de le ramener à la dure réalité du travail et de ses contraintes. Je leur ai dit, les élèves le savent: je ne suis pas un marrant, je ne suis pas là pour ça.

J'ai donc à l'oeil toutes ces petites faiblesses qui se font jour, par une sorte de relâchement spontané, en cette fin de premier mois, les élèves s'habituant, s'enhardissant. Mais j'ai aussi à l'oeil les petites forces, les vertus, comme cette élève qui rend sa dissertation avant tout le monde, tout simplement parce qu'elle l'a terminée. Ca ne préjuge pas du résultat, qui peut être très mauvais, mais ça m'apprend quelque chose sur l'organisation de son travail, sa capacité d'anticipation. Un enseignant, c'est d'abord un oeil. Il doit tout voir, tout regarder, tout apprécier, le bien comme le mal.

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